Le FRAPRU a publié le 26 septembre 2023 la huitième édition du Dossier noir logement et pauvreté au Québec. Rédigé à partir des données du recensement mené par Statistique Canada en 2021, il dresse un triste portrait de la situation du logement au Québec.
Nouveau Dossier noir du FRAPRU: un portrait sombre du logement
Le FRAPRU a publié le 26 septembre 2023 la huitième édition du Dossier noir logement et pauvreté au Québec. Rédigé à partir des données du recensement mené par Statistique Canada en 2021, il dresse un triste portrait de la situation du logement au Québec.
Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est un regroupement national pour le droit au logement fondé en 1978, dont la priorité d’action est le logement social. Il est également actif sur les enjeux d’aménagement urbain, de lutte contre la pauvreté et de promotion des droits sociaux.
Se basant sur des données du dernier recensement, son huitième Dossier noir fait le point sur la situation des locataires au Québec, portrait qui est loin d’être rose.
Le FRAPRU « soutient que la généralisation et l’aggravation de la pénurie de logements locatifs, la hausse des loyers (qui a atteint une moyenne de 13% en deux ans) et la multiplication des évictions de locataires ont profondément modifié le portrait, depuis que le recensement de 2021 dénombrait (au Québec) 173 000 ménages locataires ayant des besoins impérieux de logement ».
L’organisme affirme « que ce nombre, aussi élevé soit-il, sous-estime grandement la réalité. Ainsi, il n’inclut pas 33 840 ménages engloutissant plus de 100% de leur revenu en loyer, de même que les personnes itinérantes que le dénombrement du 11 octobre 2022 a chiffrées à au moins 10 000, en tenant uniquement compte de l’itinérance visible».
Ce dénombrement fait référence à un rapport publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux en septembre dernier. Le soir du 11 octobre 2022, le MSSS y estimait que 10 000 personnes se trouvaient en situation d’itinérance visible dans les 13 régions du Québec participantes. Dans la Capitale-Nationale, le nombre de personnes s’élevait à 927.
Les personnes seules, les femmes, les familles monoparentales, les jeunes, les aînés ainsi que les personnes issues de l’immigration font partie des catégories de ménages qui vivent une situation particulièrement difficile en matière de logement, selon la FRAPRU.
Part du revenu pour le logement
Selon les données du recensement 2021 citées par l’organisme, 373 615 ménages du Québec consacraient déjà plus de 30 % de leur revenu au loyer, avec un revenu annuel médian de 23 800$, dont 128 795 plus de 50% et 49 895 plus de 80%, avec un revenu respectif de 16 800$ et 9900$ par année . Le nombre total de ménages locataires s’y élevait à 1 482 645.
À Québec, on compte 128 730 ménages locataires. De ce nombre, 31 220 (24,3%) doivent débourser plus de 30% de leur revenu pour se loger, alors que 10 430 ménages doivent en dépenser plus de 50%.
Dans ce huitième Dossier noir, on constate toutefois que moins de locataires ont dû débourser une part de 30% ou plus de leurs revenus pour se loger en 2021 par rapport aux données du recensement précédent. À prime abord, ça semble une bonne nouvelle, mais…
« Ces données-là ont été recueillies dans un contexte bien particulier. Le recensement de 2021 a été fait avec les revenus de 2020. Dans plusieurs cas, les revenus étaient dopés par les prestations COVID. C’est la raison pour laquelle ça ne nous donne pas un portrait exact de la situation, car on pense que les revenus peuvent avoir bougé», précise Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU en entrevue à Monquartier.
« Quand on regarde la proportion de ménages qui consacrent une part (de son revenu) de 30% ou 50% pour se loger, cette part est calculée avec un revenu qui, dans plusieurs cas, n’était pas le bon (et) était temporaire. Depuis le recensement, les loyers ont continué de progresser (de façon rapide) », ajoute-t-elle.
« Dans tous les cas, les chiffres sont quand même gros et sont un aperçu de l’ampleur des besoins. »
« Quand on regarde ce que vivent les organismes communautaires sur le terrain, ce qu’on entend du système d’éducation, du système de la santé, avec la fin des mesures (d’aide), il y a une augmentation de la pauvreté chez les individus », renchérit Catherine Rainville, animatrice-coordonnatrice au Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS). Cet organisme est membre du FRAPRU.
Situation en Basse-Ville, selon le FRAPRU
En basse-ville, la population est « très majoritairement locataire, dit Mme Laflamme. On parle de 73,7% dans Saint-Roch. On parle d’une petite hausse; c’était 72% lors du dernier recensement. On parle de 79% pour Limoilou et (…) 77,3% pour Saint-Sauveur, alors que pour la ville de Québec, la proportion de ménages locataires est de 48,6% ».
Cette population de la basse-ville est donc plus nombreuse à subir les divers contrecoups de la crise du logement tels les rénovictions, hausses de loyer ou opérations de spéculation immobilière, ajoute-t-elle. Le revenu médian des locataires y est aussi plus bas que celui de l’ensemble de la ville ou Québec.
Paradoxalement, les quartiers centraux de la Vieille-Capitale sont particulièrement visés par la gentrification et la spéculation immobilière, phénomènes qui sont en train « de changer le visage de ces quartiers », voire « même de chasser, dans certains cas, des locataires de très longue date, y compris des aînés et des personnes seules qui, une fois victimes d’une éviction, n’ont pas les moyens de payer le prix des logements disponibles », dénonce Mme Laflamme.
Si on ne réussit pas à augmenter l’offre de logement hors-marché privé qui correspond à la capacité de payer de la moyenne de ces locataires, on risque de laisser dans une plus grande précarité une partie importante de la population, ajoute-t-elle.
Dans Limoilou, le revenu médian des ménages locataires est de 44 000$. À Saint-Roch, il est de 42 000$ et de 43 200$ dans Saint-Sauveur, selon les données citées par la porte-parole. À Québec, ce revenu médian est de 49 200$. Les projets des promoteurs immobiliers ne s’adressent pas à ces locataires et encore moins à ceux qui sont dans une situation encore plus précaire, ajoute-t-elle.
Dans Saint-Roch, en 2021, le revenu médian des ménages locataires qui avaient des besoins impérieux (urgents) en matière de logement était de 18 800; 20 600$ dans Saint-Sauveur et 21 000$ dans Limoilou, selon Mme Laflamme. Ces ménages doivent dépenser une part des importantes de leur revenu pour se loger.
Faute de moyens pour protéger les locataires et contrôler les loyers, une telle situation fait craindre pour le sort des locataires qui risquent se retrouver dans une grande précarité au premier pépin ou se voir chassés de leur milieu, illustre la porte-parole du FRAPRU.
« Ce n’est pas une politique sociale de pouvoir compter sur une banque alimentaire parce que les logements sont trop chers et que tu y consacres 80% ou 100% de ton revenu! Dans plusieurs cas, on est déjà là. Ça illustre l’absence d’un filet social. Quand tu paies 50% de ton revenu pour te loger (et) que tu n’es pas capable de nourrir ta famille, normalement, tu devrais avoir accès à un logement social, mais il n’y en a pas assez. On abandonne ces personnes-là dans une situation intenable! », martèle Véronique Laflamme.
Enjeux de Saint-Sauveur
Dans Saint-Sauveur, une personne sur cinq consacre plus de 30% de ses revenus pour se loger. Parmi ces gens, on retrouve de nombreux jeunes et des personnes aînées. De ce nombre, plusieurs individus vivent seuls, selon l’animatrice-coordonnatrice du CCCQSS.
Le taux d’inoccupation des logements est « beaucoup plus bas » (que le taux global de la ville de Québec, qui est de 1,5%). « Il y a peu de logements disponibles », constate Catherine Rainville.
Le secteur est aussi touché par de nombreuses autres problématiques en matière d’habitation : « les logements chers, les rénovictions, le manque de mesures d’aide pour les personnes en situation de pauvreté, le manque de logement social… », explique Catherine Rainville. Plusieurs appartements ont aussi été convertis pour les locations à court terme de type Airbnb.
« On parle enfin de la crise du logement, mais, présentement, on parle beaucoup de la crise du logement (comme du fait) qu’il manque des logements et que, quand on va créer plus de logements, le taux d’inoccupation va être plus grand et le marché va s’équilibrer », dénonce Mme Rainville.
Malgré l’ajout de nouveaux logements, se loger reste un casse-tête pour une partie de la population en raison des coûts élevés. « La crise du logement reste la crise du logement accessible ou abordable (,,.). Ce qui manque, ce sont des logements à faible coût», conclut-elle.
À venir dans un prochain texte, les revendications du FRAPRU en matière de logement.
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301, rue de Carillon, Québec (Québec), G1K 5B3
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