L’aide alimentaire en alerte

Dans le quartier Saint-Sauveur, le Pignon Bleu oeuvre pour la sécurité alimentaire des enfants et des familles. L'organisme a tiré la sonnette d'alarme sur certains besoins criants, en cette Journée mondiale de l'alimentation le 16 octobre.

L’aide alimentaire en alerte | 17 octobre 2023 | Article par Anne Charlotte Gillain

Une vue de l’édifice du Pignon Bleu, dans le quartier Saint-Sauveur.

Crédit photo: Jean Cazes

Dans le quartier Saint-Sauveur, le Pignon Bleu oeuvre pour la sécurité alimentaire des enfants et des familles. L’organisme a tiré la sonnette d’alarme sur certains besoins criants, en cette Journée mondiale de l’alimentation le 16 octobre.

« La demande en besoins alimentaires est grandissante. En cinq ans, on est passé de 3000 collations par jour à 9500 pour les enfants », indique Roseline Roussel, directrice générale du Pignon Bleu.

Depuis cette année, l’organisme observe un autre constat troublant.

« Maintenant, des enfants de dix ans se présentent à la place de leurs parents. Ils viennent chercher les paniers alimentaires pendants les heures scolaires, parce que leurs parents travaillent à temps plein. Si ton enfant ne mange pas, est-ce que ça vaut la peine de l’envoyer à l’école ? », ajoute-t-elle.

En 1991, l’organisme communautaire voit le jour après une étude du CLSC Basse-Ville. « À cette

Pignon bleu
Roseline Roussel, directrice générale du Pignon bleu.
Crédit photo: capture d'écran

époque-là, plus de la moitié des jeunes de la Basse-Ville arrivent le ventre vide à l’école », précise Mme Roussel.

Plus de 30 ans après sa fondation, le Pignon Bleu est maintenant présent dans 19 écoles et services de garde de la Capitale-Nationale.

Pour le volet socio-éducatif, des intervenants sociaux et des éducateurs spécialisés épaulent tous les enfants qui fréquentent l’organisation.

Des services saturés

En raison de la forte hausse de la demande, l’organisme dans Saint-Sauveur, a dû refuser certaines écoles.

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« On a atteint nos limites de production. On n’est plus capable d’accompagner des écoles supplémentaires. On a dû en refuser huit sur base de l’indice de défavorisation des secteurs. Cela équivaut approximativement entre 2000 et 2500 enfants de la région de la Capitale-Nationale », regrette Roseline Roussel.

Selon elle, il n’est pas possible de rediriger ces écoles, puisqu’aucune organisation ne prend le relais sur le territoire.

Leur seul espoir repose sur la conception de leur nouvelle cuisine de production. En 2021, l’organisme a acquis un bâtiment sur la rue de Xi’an. Entre deux à trois mois de travaux sont encore nécessaires pour finaliser ces installations.

« On serait capable d’accompagner jusqu’à 25 000 enfants d’ici un horizon de cinq ans », indique-t-elle.

Des travailleurs dans le besoin

L’aide alimentaire touche désormais d’autres catégories de personnes, comme les travailleurs.

« Depuis la crise sanitaire, l’insécurité alimentaire est en train de changer de visage. De plus en plus de travailleurs font appel à nos services. Ils ont aussi des besoins urgents. Avec moins de 40h par semaine, ils n’y arrivent plus », observe Mme Roussel.

En ce moment, les travailleurs représentent plus de 50 % de leur clientèle.

D’autres organismes font face à une situation similaire. C’est le cas de La Bouchée Généreuse dans le quartier Limoilou.

« On est face à une augmentation fulgurante de la demande pour l’aide alimentaire. La société moyenne s’appauvrit. Beaucoup de nouvelles familles qui travaillent recourent aux banques alimentaires pour subvenir à leurs besoins », alerte Marie-Pier Gravel, directrice adjointe à la Bouchée Généreuse.

« Nos difficultés sont multiples. Cela passe par le manque de ressources, d’espaces et de nourriture fraîche. En ce moment, on a que des citrouilles, mais on n’a pas d’autres légumes potables », déclare-t-elle.

D’après elle, les habitudes de consommation des gens et la façon de produire des industries doivent changer.

« Une solution concrète ? Il faudrait forcer les entreprises à ne pas gaspiller de la nourriture », lance-t-elle.

Le financement en ligne de mire

Pour le Pignon Bleu, le besoin de financement reste toujours important.

« On travaille depuis trois ans sur un projet d’agrandissement. On a essayé de prévenir cette augmentation, mais il nous manque encore du financement. Ce dernier devrait provenir du gouvernement fédéral, mais on n’a pas eu de confirmation », déplore Roseline Roussel. 

« Le financement se fait souvent par projet. On a donc de la misère à faire de la rétention de personnel. Cela ne pérennise pas nos opérations. Il faudrait se pencher sur l’aide à la mission. Elle reste très minime dans des organisations communautaires comme la nôtre », adresse-t-elle au gouvernement du Québec

Mme Gravel de la Bouchée Généreuse partage le même avis.

« La Ville et les politiciens devraient augmenter le budget des organismes pour qu’ils soient capables d’acquérir des aliments et d’avoir plus d’employés », implore-t-elle. 

Mme Roussel du Pignon Bleu tient à rappeler aux différents gouvernements l’urgence de l’insécurité alimentaire.

« La situation ne fait que dégringoler. On doit pouvoir recevoir tout ce qu’il faut pour accompagner ces gens-là. On constitue aussi le premier filet social avant que les gens se rendent dans les différentes organisations gouvernementales », invoque-t-elle. 

Pour les deux directrices de ces organismes, les jeunes sont le futur.

« Opter pour un programme alimentaire québécois ou canadien dans toutes les écoles permettrait de garantir un meilleur futur à notre société », avance Mme Roussel. 

« Chaque enfant ne devrait pas aller à l’école le ventre vide », conclut finalement Mme Gravel.

Cet article a été produit par Anne Charlotte Gillain, journaliste de l’Initiative de journalisme local

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