On retrouve sur différents immeubles de Québec 135 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué à leur façon l’histoire de la ville. Le boulanger Léo Paquet (1921-1980) a maintenu un mode de fabrication artisanal, à une époque où la pression de la production industrielle était de plus en plus présente. Sa boulangerie de la rue Bayard a même déjà reçu la visite de Gilles Vigneault, pour le tournage d’un court métrage de l’ONF. Le poète de Natashquan interprétait… un boulanger!
Ici vécut: Léo Paquet, au 472, rue Bayard
On retrouve sur différents immeubles de Québec 135 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué à leur façon l’histoire de la ville. Le boulanger Léo Paquet (1921-1980) a maintenu un mode de fabrication artisanal, à une époque où la pression de la production industrielle était de plus en plus présente. Sa boulangerie de la rue Bayard a même déjà reçu la visite de Gilles Vigneault, pour le tournage d’un court métrage de l’ONF. Le poète de Natashquan interprétait… un boulanger!
Depuis une quinzaine d’années environ, nous assistons au retour en force de la boulangerie de quartier, dont la production de pains se rapproche davantage des anciennes méthodes artisanales.
Dans les décennies suivant la Seconde Guerre mondiale, ce n’était en revanche pas évident de continuer dans la production artisanale. De nombreuses boulangeries fermaient graduellement leurs portes, tandis que des industries se mettaient en place pour produire du pain tranché en quantité… industrielle.
Dans Saint-Sauveur, un irréductible boulanger résistait pourtant encore et toujours à l’envahisseur…
Fils de boulanger
En 1927, Alfred Paquet, père de Léo, achète une boulangerie de la rue Bayard à un certain M. Couture.
Le père montre à son fils les rudiments de la fabrication du pain, avant que Léo ne prenne lui-même la relève de l’entreprise. Pendant cette aventure, Léo Paquet sera accompagné de son bras droit et ami d’enfance, Simon Paré.
Les valeurs du père ont aussi été transmises au fils. Les deux n’ont jamais fait de livraison, ni vendu du pain à crédit. Même dans le Québec des années 30, dans lequel a vécu Alfred Paquet, une grande partie des boulangeries offraient la livraison. Les compagnies de farine lui conseillaient d’ailleurs de livrer son pain.
Mais contrairement à la concurrence, la boulangerie des Paquet a survécu bien plus longtemps.
« Pour arriver à concurrencer les gros […], il faut produire beaucoup et sacrifier la qualité à la quantité. Pis, quand on livre, faut faire crédit et on perd souvent le contrôle. Dans quarante ans de métier, papa a perdu seulement 14 dollars. Il n’a jamais vendu à crédit; nous autres non plus et on a toujours survécu », affirmait Léo Paquet en entrevue avec la journaliste Ginette Stanton en 1977.
Un pain populaire
Le pain de Léo Paquet attirait les foules, et pas seulement des gens du quartier Saint-Sauveur. Les enfants du quartier, devenus adultes, avaient déménagé en banlieue : Charlesbourg, Sainte-Foy, Sillery, etc.
Pourtant, ça ne les empêchait pas de venir chercher leur pain quotidien à la boulangerie de Léo Paquet. On venait même d’aussi loin que de Sainte-Anne-de-Beaupré pour récupérer sa miche.
Les gens appelaient aussi d’avance pour réserver le morceau qu’ils viendraient chercher après le boulot. Les habitués se retrouvaient dans tous les corps d’emploi.
« On a des clients qui nous sont fidèles depuis plus de quarante ans. Des médecins, des pharmaciens, des politiciens qui venaient piquer une jasette en attendant le pain durant la nuit, pendant les campagnes électorales, quand mon mari était organisateur d’élections », racontait Georgette Paquet, l’épouse de Léo.
Le ministre fédéral Jean Marchand et le maire de Québec Gilles Lamontagne auraient notamment fréquenté la boulangerie.
Production artisanale
Qu’est-ce qui faisait la particularité du pain produit par Léo Paquet?
« Minute après minute, de la fermentation au produit fini, en passant par le malaxage, le foulage, le pétrissage et le remplissage des moules, ces boulangers veillent et surveillent. Aucune concession à l’automatisation », souligne Ginette Stanton, dans son article de 1977.
Léo Paquet se levait tous les jours à 4 heures du matin, sauf le dimanche, pour mettre la main à la pâte, en compagnie de son acolyte Simon Paré. Il utilisait toujours le vieux malaxeur et la recette de pain transmise par le paternel.
De plus, le pain cuisait dans le même four centenaire, fait de briques polies. Un brûleur à jet servait à allumer le four, qui chauffait doucement. Les briques devaient devenir assez chaudes pour que le pain cuise seulement au contact de la chaleur.
Pelles à pain, moules, plaques, sacs de farine empilés dans un coin : tous ces objets étaient des éléments essentiels dans la boulangerie de Léo Paquet. Celui-ci comptait aussi sur une vieille table et une enveloppeuse, qui fonctionnait en partie à la main, en partie à l’électricité.
Même s’il évitait les méthodes industrielles, il s’est tout de même doté d’une trancheuse. L’objectif était d’offrir à celles qui préparaient le lunch des enfants quelques tranches pour les sandwichs.
Mais sur un total d’entre 300 et 400 pains vendus par jour, seulement une trentaine passaient par la trancheuse.
Les Plouffe et Gilles Vigneault
La boulangerie de Léo Paquet a été immortalisée par la fiction.
D’abord, elle se trouve dans l’univers de la famille Plouffe, créé par l’écrivain du quartier Saint-Sauveur, Roger Lemelin.
De plus, en 1959, il est possible de découvrir la boulangerie à travers le court métrage La canne à pêche, disponible sur le site de l’Office national du film.
Réalisé par Fernand Dansereau, ce film raconte l’histoire d’une jeune fille de la ville qui découvre la vie à la campagne. L’oeuvre est tirée d’un conte d’Anne Hébert.
La canne à pêche met en vedette Colette Devlin, Nicole Geoffroy et… Gilles Vigneault, qui interprète le père boulanger. Dans les premières minutes du film, il est possible d’apercevoir le chanteur s’affairer à la confection du pain, près du four de Léo Paquet.
Décès et continuité
Environ un an après l’entrevue donnée pour L’Actualité, Léo Paquet meurt à l’âge de 59 ans, le 19 avril 1980.
Il laisse alors dans le deuil ses sept enfants : Claude, Lison, Benoît, Jean-Marc, Luc, Josée et Éric.
Son épouse Georgette reprend les rênes de la boulangerie pendant environ trois ans, jusqu’à la fermeture officielle en juillet 1983.
« Je suis très émue, même angoissée parce que je laisse une grande partie de ma vie en vendant la boulangerie », confiait-elle à Yves Therrien, dans l’édition du Soleil du 15 juillet 1983.
Le nom et la recette du pain avaient été vendus à un homme d’affaires qui a ouvert une boulangerie dans le Mail Saint-Roch, dans l’édifice du Syndicat. Luc Paquet, fils de Léo et Georgette, y a d’ailleurs travaillé, mais l’endroit n’est pas resté ouvert très longtemps.
Afin de conserver la mémoire et les traditions de l’époque, Georgette Paquet a légué tous les équipements, outils et artefacts de la boulangerie au Musée de la civilisation de Québec.
Il est donc possible que vous recroisiez un jour le nom de Léo Paquet durant vos visites culturelles.
En attendant, allez savourer un bonne miche de pain auprès de votre boulangerie de quartier, tout en ayant une pensée pour le boulanger de la rue Bayard!
Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici vécut.
Sources:
Denis, Christian, Muséo-Traces, «Le pain des Plouffe», vol. 1, no 1, mai 1993.
Le Soleil, «Léo Paquet (notice nécrologique)», 21 avril 1980, Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Paquet, Claude, Cap-aux-Diamants, «Déclin et renouveau de la boulangerie artisanale», numéro 78, été 2004.
Stanton, Ginette, Le Droit, « Chez Alfred Paquet, on boulange comme il y a 50 ans », 26 novembre 1977, p. 26-27.
Stanton, Ginette, Magazine L’Actualité, «Gens du pays – Un boulanger dépareillé», février 1979.
Therrien, Yves, Le Soleil, « Fin d’une entreprise familiale – L’odeur du bon pain disparaît de la rue Bayard », 15 juillet 1983, p. A-3
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