Véronica Rioux, slameuse ornithologue
Digne représentante du quartier Saint-Sauveur, Véronica Rioux est une championne québécoise de slam-poésie et une ornithologue amateure. Nous avons eu le bonheur de la rencontrer la semaine dernière au parc Victoria.
Originaire de Trois-Pistoles, citoyenne du quartier depuis 22 ans, Véronica Rioux, alias la « Slam’oiselle », a délaissé son principal emploi au Réseau Accorderie pour se consacrer à sa carrière de facilitatrice de Biodanza et, principalement, d’artiste engagée.
Championne du Grand slam de poésie 2019, puis plus récemment du Concours de slam-poésie organisé par Slam Québec-France, Véronica fait partie des grandes figures de la poésie et du slam québécois avec les André Marceau, David Goudreault, Ivy, Amélie Prévost et Queen Ka, entre autres.
Qu’est-ce qui t’a menée à ta carrière actuelle?
J’ai grandi durant les années 1970 au sein d’une famille engagée dans la communauté, qui cultivait l’amour de notre langue et valorisait la culture générale. Ma mère était artiste professionnelle et elle a enseigné la peinture. Mon père, professeur de français, adorait la poésie. C’est dans ce formidable terrain de jeu d’un rang de campagne du Bas-du-Fleuve que j’ai développé des aptitudes pour les arts tout en m’ouvrant sur le monde.
C’est en venant compléter un baccalauréat en philosophie à l’Université Laval que la poésie m’a vraiment interpellée, au début des années 1990. Plus tard, des opportunité se sont présentées à moi pour que je porte ma voix sur la scène. Entre autres moments clés, j’ai participé à des séminaires de récitation poétique, réalisant ainsi que la performance et l’interprétation étaient aussi importantes à mes yeux que la qualité de l’écriture.
En 2007, l’organisateur des Vendredis de poésie au Tam-Tam Café du Centre Jacques-Cartier, André Marceau, présente une nouvelle activité, les Slams de poésie. Coup de cœur instantané! Cette discipline en salle combine beauté des mots et performance. Elle vise à rendre la poésie accessible à tous, dans une formule de compétition amicale devant jury. Juste soi, avec son texte, sans accompagnement musical… Ça donne des moments extraordinaires! On parle d’artisans de la langue, et tous les styles leur sont permis. Cette même année 2007, à l’automne, j’ai donc commencé à compétitionner.
Après plusieurs compétitions, donc, la consécration est venue en 2019 lors du Grand slam de poésie 2019 tenu à Québec en remportant la finale! La porte m’était donc ouverte pour représenter le Québec à la Coupe du monde à Paris, billet d’avion fourni. C’était prévu en mai 2020. On devine la suite : pas de compétition à Paris, plutôt sur Zoom à partir de mon salon!
Je retiens quand même de cette coupe à distance l’enrichissant privilège d’avoir pu côtoyer des champions d’autres pays comme l’Écosse, le Japon, ou du continent africain. Tout le monde slamait dans sa langue. Mais peu importe, même en ajoutant la traduction, on peut être tout aussi sensible au ton de la voix, aux gestes, au rythme des participants et à la musicalité de leurs mots.
En octobre dernier, je remporte cette fois le concours de Slam Québec-France. Le prix? Un voyage en… France, que je devrais enfin pouvoir effectuer au printemps prochain en y incluant une petite tournée!
Comment en es-tu venue à introduire ton intérêt pour l’ornithologie dans ton art?
Bien avant les mots, j’étais aussi passionnée par la nature. Mon père m’avait appris à reconnaître des oiseaux par leur chant, comme celui du Pinson à gorge blanche, du Merle d’Amérique et du Geai bleu. Toute petite, Pierre Morency, que j’ai eu le privilège de rencontrer plus tard, me berçait de sa voix radiophonique dans ses premières émissions. À cela s’est ajouté mon premier emploi significatif dans ma région d’origine : celui de guide-interprète de la nature et d’histoire à l’Île aux Basques. Cette expérience a alimenté mon désir de m’engager dans la sensibilisation à la fragilité de ce vaste écosystème dont on fait partie.
Ce n’est que tout dernièrement que le déclic s’est vraiment fait : enrichir ma carrière de slameuse en y incorporant en particulier l’ornithologie! La COVID nous empêchant de sortir très loin, j’ai pris goût à observer les oiseaux près de chez moi, avec « mes meilleures amies les jumelles », comme j’aime le dire. J’en avais besoin pour ma santé mentale. J’ai alors vraiment pris conscience à quel point, très localement en Basse-Ville, il y a une richesse de découvertes à faire pour tout le monde…
Quels sites d’observation, quelles sorties ornithologiques nous suggères-tu dans nos quartiers?
Je tiens d’abord à le mentionner, j’ai eu le plaisir de faire plusieurs sorties avec un compère slameur, Paul Dubé, qui m’a fait connaître l’application eBirds. C’est un précieux outil de comptabilisation d’observations, tant pour les scientifiques que pour les amateurs. Il sert par exemple à identifier des sites d’intérêt dans une région donnée.
Au plan local, pour leur étonnante diversité d’espèces surtout à l’époque des migrations, mes sites incontournables sont la baie de Beauport, avec ses oiseaux de rivage comme des bécasseaux, des chevaliers et des pluviers. Et juste à côté bien sûr, le Domaine de Maizerets avec son Grand duc d’Amérique, ses bruants, ses parulines et autres oiseaux de boisés qu’on observe aussi au parc Victoria et le long de la Saint-Charles. Sans oublier, comme autre endroit, le coteau Sainte-Geneviève, non loin de chez moi, qui abrite par exemple comme espèces le Geai bleu, le Viréo aux yeux rouges, le Cardinal rouge. On peut aussi voir à l’occasion le Martinet ramoneur, qui est une espèce menacée, survoler le centre-ville.
Cela nous amène à tes Balades de la Slam’oiselle, de même qu’aux Promenades découvertes…
J’en étais venue à ce constat : pourquoi ne pas organiser des sorties grand public d’observation des oiseaux? Cela, en y ajoutant une dimension poétique, soit un slam porté par une réflexion sur l’écologie et le respect de l’environnement! C’est ainsi qu’est né mon concept des Balades de la Slam’oiselle. Mes premières sorties ont eu lieu à l’automne 2021 au marais Provancher à Neuville, et au boisé Neilson à Sainte-Foy. Et j’ai repris cette activité ce printemps à Maizerets ainsi qu’à Saint-Augustin.
Christelle Chaumont de Soli’Vert, une initiative citoyenne autour du verdissement dans la Basse-Ville, a été interpellée par mes Balades. De là sont parties les deux premières Promenades vertes, au bord de la rivière Saint-Charles. J’y fais donc de l’animation poétique et ornithologique, en incorporant aussi des trucs comme l’enchantement face à la nature, l’importance du silence, et de se mettre dans un état d’esprit réceptif. Et je cite aussi des extraits d’ouvrages de Pierre Morency, entre autres..
Le 17 septembre, la prochaine Promenade se déroulera de nouveau le long de la Saint-Charles selon un trajet accessible aux personnes à mobilité réduite. On pourra compter également sur la collaboration de Verdir Saint-Roch, dont l’intérêt est aussi de faire découvrir la richesse faunique et floristique des berges renaturalisées de la rivière.
Je serai en compagnie de l’historienne Jennifer Bouffard pour la coanimation, avec le soutien ponctuel de l’entomologiste Félix-Antoine Langevin, en plus de partager aussi mon intérêt pour les plantes médicinales. J’insérerai à travers tout cela, bien sûr, mon slam-poésie inspiré des sujets abordés.
Pour en savoir plus sur la Promenade découverte gratuite de ce samedi 17 septembre, de 14h à 16h, on peut consulter l’événement Facebook. La prochaine Balade de la Slam’oiselle aura lieu le 1er octobre à la Base plein air de Sainte-Foy.
On peut suivre Véronica Rioux sur Facebook pour se tenir au courant de ses activités, de ses ateliers d’écriture et de ses prestations à venir, comme celle qu’on verra lors d’une compétition du match éliminatoire de la saison de slam le 20 septembre.
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