Steve Huot : « Ce qui m’attirait, c’était la liberté des artistes »

Médiateur culturel, passionné de danse contemporaine, Steve Huot a dû sortir des sentiers batus pour faire rayonner la danse à Québec. Celui qui fête ses 10 ans à la tête du Groupe Danse Partout dévoile les chemins qui l'ont mené à la liberté des artistes.

Steve Huot : « Ce qui m’attirait, c’était la liberté des artistes » | 27 avril 2022 | Article par Viktoria Miojevic

Crédit photo: Viktoria Miojevic

Médiateur culturel, passionné de danse contemporaine, Steve Huot a dû sortir des sentiers batus pour faire rayonner la danse à Québec. Celui qui fête ses 10 ans à la tête du Groupe Danse Partout dévoile les chemins qui l’ont mené à la liberté des artistes.

Sortir des sentiers battus

C’est à quelques pas de l’Île d’Orléans, sur la côte de Beaupré, qu’a grandi Steve Huot. Issu d’une famille « manuelle ou ouvrière » et sportive, le directeur général du Groupe Danse Partout et directeur artistique de La Rotonde n’a pas suivi les traces familiales : « Je n’étais pas prédisposé ni à l’école, ni aux arts ».

Bien que la danse contemporaine se soit invitée un peu par hasard sur son chemin, Steve Huot se souvient, de son enfance, des spectacles à la télévision de Louise Lecavalier, Édouard Locke ou encore le dortoir de la compagnie Carbone 14.

Après un passage au cégep en administration et marketing, sa fibre créative et son amour des arts se dévoilent. Impliqué dans son association étudiante qu’il coordonne, il y découvre la force du travail collectif. « Maintenant je le vois comme c’était déterminant ».

Steve Huot passe par Saint-Roch et Montcalm avant de poser plus tard ses valises dans Saint-Sauveur. « J’aime beaucoup le quartier, et j’ai élevé mes trois enfants ici avec mon amoureuse. J’ai toujours aimé que ce soit un quartier varié, diversifié, bigarré. On a vraiment un voisinage dynamique. »

Au niveau artistique, ce sera la découverte de la musique, du cinéma, des arts visuels.

« Tout ce qui était différent et proposé de façon large, ça m’attirait. Par exemple le cinéma d’auteur, je découvrais. Je n’avais pas été initié plus jeune. Au niveau musical, des amis m’initiaient aux artistes progressifs, à la musique actuelle contemporaine. »

L’ouverture de la coopérative Méduse n’y est pas pour rien. C’est ici que le jeune étudiant découvre ses premiers spectacles de musique contemporaine, aux côtés d’amis musiciens.

Beaucoup de centres d’artistes se regroupent dans Méduse. « Et il y avait la salle Multi où on voyait les premiers spectacles de danse, de musique contempo, théâtre, comme celui de Recto Verso, ou les expositions à l’Œil de Poisson. » Derrière cet amour naissant des arts résonne l’appel de liberté des artistes.

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Liberté des artistes

« Ils ne s’enfermaient pas dans un carcan à reproduire une recette ou (…) pour plaire au plus grand nombre », décrit Steve Huot en parlant de ce qui l’a piqué. Ses premières œuvres de danse contemporaine l’ont particulièrement touché. « Quand j’ai vu tout ça, ça a éclipsé tout le reste. Pas que ça a éclipsé tout le reste mais là il y a eu quelque chose de complet qui s’est révélé! »

Déjà, c’était de l’art vivant, mais il y a découvert la part de la mise en scène : la musique, les éclairages, le mouvement sans parole… Notamment avec l’interprète Harold Rhéaume et la chorégraphe Louise Bédard. « Là, on atteignait un nouveau sommet de liberté à mes yeux. On se libérait même du langage. (…) La musique était comme celle que j’aimais, c’était des créations sonores », se souvient-il.

« Comme spectateur, j’expérimentais la liberté des créateurs que j’aimais déjà. Je fréquentais des œuvres dont les créateurs étaient encore plus grands. (…) Je n’avais pas à suivre une histoire, un endroit précis. Je pouvais me faire l’interprétation que je voulais. Il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse dans mon expérience. »

Ce qui le séduisait dans la danse et l’art contemporain, c’est ce qui reste déroutant la plupart du temps pour les spectateurs.

« Les corps des danseurs ne sont pas tous parfaits. Les capacités non plus. Ce qui peut être intéressant, c’est la vulnérabilité, l’imperfection : autant dans les corps, que dans le geste, dans la composition. Dans cette imperfection va naître la beauté, d’une façon plus authentique souvent ou moi qui va me toucher plus. Souvent ce qui va nous toucher dans la vie, ce n’est pas toujours la perfection, pas moi. »

Steve Huot aime souligner ce qui fait la singularité de la danse contemporaine : cette capacité d’associer le jeu du théâtre au mouvement qui se déploie pour créer un personnage.

« Mettons je te dis Tango, tu vois une robe, tu entends de la musique et tu vois les pas de base, même si tu ne sais pas danser le tango. Mais si au lieu de la robe que tu vois dans ta tête, tu habilles la danseuse en jeans puis en t-shirt; au lieu de la musique dans ta tête, tu lui mets du rap; au lieu des pas de base, tu la mets à genoux sur la scène et elle essaye de faire du tango à genoux. C’est plus du tango, c’est devenu la danse contemporaine! C’est devenu de l’art chorégraphique, car un créateur a changé les règles du jeu. Il a mis ses règles et il est sorti du cadre, il propose quelque chose de personnel, de libre. »

L’audace

Au fil de ses études, sa carrière dans le marketing se dessine. Steve Huot s’associe à des amis pour créer une agence de publicité, mais il ne s’y épanouit pas.

C’est là qu’il prend l’initiative de créer son propre emploi. « J’avais des confrontations avec mes valeurs profondes à faire vendre plus d’un produit que je ne voulais pas acheter moi-même. Je me suis dit : soit je change de carrière, de métier, soit je le fais en faveur d’une cause. »

À la suite d’une année de médiation culturelle à Méduse, il finit par approcher La Rotonde. Alors qu’il n’y a pas d’emploi offert, il contacte la directrice en partageant son envie de travailler pour la cause de la danse à Québec. Bien renseigné, il l’informe qu’il est admissible à des subventions et rédige une demande au nom de La Rotonde. La directrice accepte, signe et son poste sera financé pendant deux années.

« Je pense que c’est plus accessible que ce qu’on pense. On a le droit de choisir ou est-ce qu’on veut travailler et ce qu’on veut faire dans la vie. Puis, on peut choisir à tout âge, surtout maintenant avec la pénurie de main-d’œuvre. »

En chair et en os

Aux prémices de Danse Partout, en 1976, des compagnies formaient les jeunes danseurs, à la différence que Danse Partout était aussi une école. Ont suivi, à Québec, des fusions entre différentes compagnies qui ont donné naissance à La Rotonde comme groupe, diffuseur et école.

En 1998, Steve Huot a intégré La Rotonde comme adjoint au développement. Il en est devenu directeur en 2007, avant de diriger dès 2012 le Groupe Danse Partout. En 2017, il a piloté la création de la Maison pour la danse.

Maison de la danse
Le Centre Alyne-Lebel héberge à Saint-Sauveur l’École de danse et les locaux du Groupe Danse Partout.
Crédit photo: Viktoria Miojevic

Au service d’un art vivant qui ne pouvait plus s’incarner durant la pandémie, Steve Huot a soutenu ses équipes pour combler le vide des représentations « en chair et en os, au service des spectateurs ».

« J’ai hâte de voir le retour en salle de La Rotonde, avec une quinzaine de spectacles, les artistes et retrouver la Salle Multi. En plus des nouveaux partenariats comme avec le Diamant et d’autres qu’on maintient avec le Grand Théâtre et les Gros becs. »

En plus de continuer de soutenir l’équipe de direction, en délégation, il a participé à la 3e mission de l’Archipel qui permet des collaborations entre la Tunisie, la France et le Québec. Des artistes québécois ont été déjà invités à des cocréations à l’international.

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