Des hausses de loyer qui préoccupent dans Saint-Sauveur

Des organismes communautaires de Québec dénoncent les cas de réno-évictions et reprises de logement. Ces questions, tout comme la gentrification de certains quartiers comme Saint-Sauveur, les préoccupent au plus haut point.

Des hausses de loyer qui préoccupent dans Saint-Sauveur | 4 janvier 2021 | Article par Julie Rheaume

Des groupes communautaires ont posé des affiches pour sensibiliser les locataires à leurs droits.

Crédit photo: Julie Rheaume

Des organismes communautaires de Québec dénoncent les cas de réno-évictions et reprises de logement. Ces questions, tout comme la gentrification de certains quartiers comme Saint-Sauveur, les préoccupent au plus haut point.

Le Bureau d’animation et information logement (BAIL), le Comité des citoyennes et citoyens du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS), le Comité logement d’aide de Québec ouest (CLAQO) et la Ruche Vanier déplorent l’augmentation marquée lors des derniers mois à Québec des cas de réno-évictions, de reprises de logement et d’évictions pour agrandissement, subdivision ou changement d’affectation.

« Entre l’automne 2019 et l’été 2020, le nombre de locataires qui ont contacté le BAIL pour l’une ou l’autre de ces atteintes au parc locatif a quintuplé en comparaison à l’année précédente. En moyenne, les locataires touchés demeuraient depuis 10 ans dans leur logement et payaient un loyer de 663 $ par mois, soit environ 20 % moins cher que le loyer moyen dans la région de Québec. On note également une augmentation marquée des réno-évictions, c’est-à-dire des cas où un propriétaire prétexte des travaux majeurs afin d’obtenir le départ définitif d’un-e locataire », indique le BAIL dans un communiqué publié le 16 décembre.

Augmentation

À titre illustratif, une vue de la rue Chénier, dans Saint-Sauveur. À droite, l’édifice jaune abrite le CCCQSS.
Crédit photo: Julie Rheaume

Le CCCQSS est particulièrement préoccupé par le coût du logement locatif. « La hausse fait que des résidents ont de la difficulté à trouver des loyers qui conviennent à leur capacité de payer. Ils sont éventuellement obligés de quitter le quartier pour (faire place à) une nouvelle population », de dire Guillaume Béliveau Côté, animateur-coordonnateur, en entrevue le 15 décembre.

Cette nouvelle population est généralement composée de gens mieux nantis. On assiste alors au phénomène de gentrification.

Sa collègue Éloïse Gaudreau, animatrice-coordonnatrice en poste au CCCQSS depuis quelques années, observe quant à elle une hausse des reprises de logements et de rénovations à des unités déjà occupées par des locataires, qui entraîneront une hausse du coût du loyer. À Québec, selon le BAIL, ce phénomène serait particulièrement marqué dans les quartiers populaires.

En 2006, selon des données de Statistique Canada citées par le CCCQSS, le prix du loyer moyen était de 454 $ dans le Saint-Sauveur. En 2016, il était de 633 $. Les logements offerts à plus de 1000 $ sont toutefois désormais monnaie courante, tout comme la présence de promoteurs immobiliers, dans le secteur.

Le CCCQSS constate donc que le prix des logements disponibles est très élevé. « Un 5 et demi en bas de 1000 $, ça fait longtemps que je n’ai pas vu ça », lance M. Béliveau Côté.

En consultant les petites annonces de logements à louer, Mme Gaudreau remarque par ailleurs une différence entre le coût du loyer moyen tel que calculé dans les statistiques de la SCHL (Société canadienne d’hypothèque et logement) et les prix des logements locatifs offerts sur le marché.

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« Le loyer disponible augmente constamment », ajoute-t-elle. Son organisme surveille d’ailleurs cette situation de près.

La valeur foncière des propriétés a aussi grimpé de manière dramatique dans le quartier Saint-Sauveur de 2006 (108 262 $) à 2016 (255 160 $), selon des données de Statistique Canada fournies par le Comité. « Cela a un impact direct sur le coût des loyers car la hausse de la valeur foncière amène une hausse des taxes municipales et l’entièreté de la facture est refilée aux locataires », dit Mme Gaudreau.

« Les gens qui viennent nous voir, ce sont des gens qui tiennent à Saint-Sauveur ou aux quartiers centraux. Souvent, ce que je vais voir, ce sont des gens qui vont accepter soit de payer trop cher pour rester dans le quartier (…) ou accepter de vivre dans des conditions de logement non idéales. D’autres vont partir car ils ne peuvent se permettre de vivre dans le quartier ou ne veulent pas payer trop cher pour rester dans Saint-Sauveur », déplore Éloïse Gaudreau.

Embourgeoisement et inclusion

Au cours des dernières années, plusieurs restos et bars branchés se sont installés dans Saint-Sauveur, en particulier sur la rue Saint-Vallier Ouest. Est-ce que l’arrivée de ces établissements contribue à la gentrification?

« La gentrification résidentielle et la gentrification commerciale sont deux phénomènes qui s’insèrent l’un dans l’autre », répond Mme Gaudreau.

Par contre, des projets positifs tels l’aménagement de placettes publiques « qui peuvent profiter à tous » ont aussi vu le jour en parallèle dans le quartier.

Le message qu’elle aimerait lancer à l’égard du quartier et de ses nouveaux résidents, c’est que ces derniers « soient sensibles à la différence et qu’ils adoptent des comportements inclusifs plutôt que de jugement envers les personnes qui sont plus vulnérables, moins favorisées ».

« On ressent parfois une attitude d’intolérance ou incompréhension, de peur. Quand on choisit le quartier Saint-Sauveur, on le choisit parce que c’est un quartier où il y a de la mixité sociale et une diversité de profils et de situations sociales. Il faut embrasser ça », affirme Mme Gaudreau. La notion d’inclusion sociale est très importante pour elle.

Aux yeux de M. Béliveau Côté, les gens semblent désormais s’impliquer davantage en matière de verdissement ou de transport actif. Encore une fois, l’intégration de toutes les populations du quartier doit primer dans ces questions, dit-il.

« La gentrification préoccupe le Comité, mais ça ne veut pas dire que l’on ne peut pas faire des actions pour améliorer le quartier en ayant peur de la gentrification. Je donne l’exemple du verdissement, qu’on associe souvent à l’une des causes de gentrification. Ce n’est pas vrai qu’on va laisser un quartier devenir un gros îlot de chaleur car on veut éviter à tout prix la gentrification. Il faut quand même améliorer la qualité de vie des gens du quartier », affirme l’animateur-coordonnateur.

« La solution à la gentrification est politique (…). Il faut qu’il y ait une volonté politique de stopper la gentrification », ajoute Mme Gaudreau.

Les citoyens et citoyennes peuvent aussi réclamer du logement social ou s’impliquer dans le quartier pour contrer le phénomène, selon le CCCQSS.

Actions

Des actions ont eu lieu en matière de droit au logement en ville et ailleurs dans la province, entre autres, à la fin de 2020.

À Québec, le 10 novembre, le BAIL et le Comité logement d’aide de Québec Ouest (CLAQO) ont manifesté devant les bureaux du Tribunal administratif du logement (le TAL et anciennement, la Régie du logement), afin de réclamer un contrôle obligatoire des loyers.

À la mi-décembre, le BAIL et le CCCQSS, entre autres, ont mené une campagne d’affichage au centre-ville pour informer les locataires de leurs droits quant aux réno-évictions et les reprises de possession de logements.

Quelque 300 affiches ont été apposées dans divers quartiers par ces organismes et des groupes alliés dans Saint-Roch, Vieux-Limoilou, Saint-Sauveur, Vanier et Sainte-Foy.

Que faire?

Avant de poser tout geste ou de signer un document, Éloïse Gaudreau conseille aux locataires  de toujours contacter un comité-logement comme le BAIL ou le CCCQSS. Par exemple, s’ils sont victimes d’une reprise de logement de « mauvaise foi » ou d’une augmentation abusive de loyer, entre autres situations.

Les locataires peuvent refuser une hausse de loyer, dit-elle. Pour les baux qui se terminent le 30 juin, les propriétaires devraient commencer à envoyer leurs avis d’augmentation au début de janvier 2021.

L’organisme rappelle que les locataires ont des droits. « Les propriétaires ne peuvent pas faire n’importe quoi avec les locataires », conclut Guillaume Béliveau Côté.

Éloïse Gaudreau et Guillaume Béliveau Côté du CCCQSS.
Crédit photo: Julie Rheaume

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