Histoire de l’aqueduc de Québec : 2- Le plus important projet d’infrastructure au XIXe siècle à Québec

Monquartier réactualise les articles de Réjean Lemoine qui ont particulièrement retenu l’attention de 2010 à 2014. L’auteur relate dans cette série l’histoire de l’aqueduc municipal, qui remonte au milieu du XIXe siècle. Sur son parcours, une rue du quartier Saint-Sauveur en retiendra le nom. Deuxième volet d’une série de cinq.

Histoire de l’aqueduc de Québec : 2- Le plus important projet d’infrastructure au XIXe siècle à Québec | 24 avril 2021 | Article par Réjean Lemoine

Barrage du château d’eau à Loretteville à la fin du XIXe siècle.

Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Monquartier réactualise les articles de Réjean Lemoine qui ont particulièrement retenu l’attention de 2010 à 2014. L’auteur relate dans cette série l’histoire de l’aqueduc municipal, qui remonte au milieu du XIXe siècle. Sur son parcours, une rue du quartier Saint-Sauveur en retiendra le nom. Deuxième volet d’une série de cinq.

Douze kilomètres de tuyau entre Loretteville et la haute-ville

Élu maire à l’unanimité par le conseil municipal en février 1850, Narcisse-Fortunat Belleau s’attaque cette même année à la réalisation du projet d’aqueduc municipal, le plus important projet d’infrastructure au XIXe siècle à Québec. La ville vient de subir l’été précédent une autre épidémie de choléra qui a fait plus de mille victimes. Il est favorable à un projet d’aqueduc municipal – et non pas réalisé par une entreprise privée – dont le coût sera assumé par les citoyens de Québec.

Le maire Belleau privilégie également le choix de s’approvisionner en eau potable à partir des hauteurs de la rivière Saint-Charles plutôt que la rivière Montmorency. Ces deux questions font alors l’objet de controverses dans l’opinion publique.

Narcisse-Fortunat Belleau
Crédit photo: Ville de Québec

Le maire crée un donc un nouveau département de l’aqueduc en septembre 1850. Il engage l’ingénieur de Boston George R. Baldwin comme ingénieur en chef des travaux avec un salaire annuel de 1000 $ pendant quatre années. Baldwin confirme le choix de la rivière Saint-Charles et commence à dessiner les plans et devis.

Les travaux débutent à l’automne. Le projet consiste à installer sous terre un tuyau d’aqueduc de 12 kilomètres entre la prise d’eau de Loretteville –  Saint-Ambroise à l’époque – et la haute-ville de Québec. Cette eau circulera par gravité, le point de départ étant situé à 43 mètres de hauteur de plus que le point d’arrivée de l’aqueduc sur le chemin Saint-Louis.

La Chambre d’assemblée du Canada-Uni appuie le projet municipal en autorisant un emprunt supplémentaire d’un demi-million de dollars pour l’aqueduc. Les députés soutiennent le projet de la ville, car ils pensent qu’un système par gravitation est le plus économique en n’exigeant « pas de dépense puisque l’eau circule par son propre poids ». Auparavant, plusieurs personnes avaient proposé de puiser l’eau au fleuve Saint-Laurent avec l’aide d’une machine à vapeur.

Le nouvel aqueduc entraînera une baisse importante des primes d’assurance et il assurera une abondance d’eau qui permettra de nettoyer les drains et les égouts, faisant disparaître les mauvaises odeurs des maisons. Il ne sera plus nécessaire de rajouter des spiritueux à de l’eau sale pour prendre son bain!

Les deux-tiers des résidences de Québec connectées dans les années 1860

Les travaux de construction du réservoir et du château d’eau à Loretteville ainsi que l’installation du tuyau de 18 pouces jusqu’à Québec se déroulent de 1850 à 1852. Le comité de l’aqueduc doit d’abord procéder à la négociation et l’achat de bandes de terrains sur une soixantaine de propriétés. Il faut, dans un premier temps, construire en 1851 un barrage et le château d’eau. Par la suite, une tranchée de 14 pieds de large par six pieds de profondeur est ouverte au pic et à la pelle sur toute la longueur du parcours. Ce travail est particulièrement difficile dans le village « indien » de Lorette, où il faut ouvrir durant l’hiver 1851 la tranchée dans du roc très dur. Des centaines d’ouvriers canadiens-français travaillent sous la supervision d’un contremaître anglophone exigeant.

À l’automne 1851, l’ingénieur Baldwin traverse l’Atlantique pour superviser la production des tuyaux et s’assurer de leur qualité. À partir de l’hiver de 1852, Les tuyaux en fonte sont produits à Glasgow, en Écosse, au coût de 460 000 $. Il faut une dizaine de navires pour transporter ces tuyaux de Glasgow à Québec durant l’été. Arrivés sur les quais de Québec, les tuyaux sont amenés par des chevaux en 15 endroits différents le long du parcours Lorette-Québec pour être installés.

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Manquant de main-d’œuvre spécialisée, Baldwin doit faire venir des techniciens de Montréal, Boston et Édimbourg pour l’installation des tuyaux. La traversée de la rivière Saint-Charles près du pont Scott pose de nombreux problèmes techniques. Il faut construire la structure et suspendre le tuyau de 18 pouces dans une gaine pour empêcher le gel de l’eau potable. Finalement, cette eau potable parvient à Québec au printemps 1853.

Au total, le projet d’aqueduc municipal coûtera plus d’un million de dollars. Il ne peut se réaliser qu’avec un prêt de 400 000$ de la banque Barings de Londres. La Ville, dans une conjoncture économique difficile, va devoir vivre avec une dette britannique énorme qui hypothèque la moitié de son budget jusqu’à la fin du XIXe siècle. La moitié des 4000 résidences de Québec sont connectées au nouvel aqueduc en 1857 et les deux-tiers dans les années 1860.

Québec possède alors l’un des aqueducs les plus modernes en Amérique du Nord. Mais il deviendra vite insuffisant pour répondre à la demande, causée surtout par le gaspillage de l’eau.

Surveillez la suite, la semaine prochaine, de la série historique Histoire de l’aqueduc de Québec : 3- Une reconstruction rendue nécessaire après des conflagrations.

Retrouvez le premier texte de la série : 
Le lac Saint-Charles, un grand réservoir naturel

Du même auteur, d’une série précédente : Le Palais central de l’Expo.

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