Souffrance et les Martyrs de Marde : dévier sans détruire

Enregistré au Pantoum sur Saint-Joseph Ouest, Grossière Incandescence des Martyrs de Marde est lancé à Québec ce soir, 31 janvier, sur la scène du Dôme (auparavant l’Espace Tam Tam). Souffrance, alias Sébastien Delorme, un des deux membres du groupe punk à habiter le quartier Saint-Sauveur, s’est prêté à une entrevue avec Monsaintsauveur.

Souffrance et les Martyrs de Marde : dévier sans détruire | 31 janvier 2020 | Article par Suzie Genest

Crédit photo: Nicolas Padovani

Enregistré au Pantoum sur Saint-Joseph Ouest, Grossière Incandescence des Martyrs de Marde est lancé à Québec ce soir, 31 janvier, sur la scène du Dôme (auparavant l’Espace Tam Tam). Souffrance, alias Sébastien Delorme, un des deux membres du groupe punk à habiter le quartier Saint-Sauveur, s’est prêté à une entrevue avec Monsaintsauveur.

Sur le parcours personnel qui a précédé son nom d’artiste – et Mon amie souffrance, l’autre formation dont il fait partie – Sébastien Delorme a traversé des problèmes de consommation. C’est dans le quartier Saint-Sauveur, à la Maison Saint-Luc opérée par l’organisme PECH, qu’il s’en est sorti, souligne-t-il. Lui et le chanteur Mathieu Bédard (Frère Foutre), qui a connu son propre lot de difficultés, sont de bons amis depuis le secondaire 1.

Baptême extrême

Avant les Martyrs de Marde, Mathieu avait fait du slam mais pas de musique; Dany, leur premier batteur, avait une formation en musique classique de McGill et une oreille absolue; leur premier claviériste n’avait « jamais fait ça ». L’histoire de leur premier EP n’est pas banale. Ils se sont dit :

« On fait une première pratique et on se commet vraiment. On s’enregistre et on fait un EP. »

Sébastien, mélomane et musicien autodidacte, avait demandé à Dany de lui faire « l’accordage le plus dissonant possible, il est vraiment dégueu, dès que je le fais sur scène, tu rentres dans un film d’horreur », illustre-t-il.

N/A [Non applicable] est sorti un an plus tard. Entre-temps, leurs costumes et leurs noms de scènes s’étaient précisés. Trois des pièces font encore partie de leur répertoire en spectacle, mais ils ont beaucoup évolué depuis, explique Sébastien.

« Au début, c’était vraiment plus gonzo […], weird, c’était moins des tounes, plus performatif; tranquillement, on s’est mis à faire des pièces, des refrains plus catchy. […] On est vraiment down avec ça, si ça vient du cœur, pour les bonnes raisons. […] On invite les gens par des trucs plus accrocheurs dans notre univers, où on les expose à des trucs plus extrêmes, qui amènent plus de questionnements. »

Dictature de la productivité, individualisme, effritement du tissu social… Sur Grossière Incandescence, du savoureux sermon de la « Conspiration dépressionniste » signée Simon-Pierre Beaudet au titre de « Sado-maso boulot-dodo » en passant par les couplets de « Povtipite », ce qu’ils questionnent, dénoncent, rejettent est clair. Le message s’énonce sur différents tons de sombre à grinçant.

Leur diversité sur le plan musical, dit Sébastien, dépasse la liste de genres musicaux dressée dans le communiqué de presse. Et ses propres goûts incluent aussi bien le gangster rap – il a grandi sur la Rive-Sud dans les années 1990, plaide-t-il – que Beat Sexu, Rage Against the Machine, Nirvana…

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Entre équilibre et effraction

Après avoir habité au Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier et s’y être impliqué activement (au CA, dans la relance du Tam Tam…), Sébastien fait aujourd’hui partie de la communauté qui gravite autour du Pantoum, où règne un esprit de solidarité et de collaboration qui rejoint ses valeurs. Ce n’est pas sa seule implication dans le milieu. « Je serais ingrat de ne pas être redevable », dit-il, faisant référence à son parcours.

Entre les Martyrs de Marde, Mon amie souffrance et l’Ensemble de musique improvisée de Québec (EMIQ) auquel il participe, il travaille entre autres à l’épicerie coopérative Le Haricot magique et donne des conférences dans des écoles, tandis que Mathieu occupe un poste dans l’organisation d’un festival documentaire et vit en partie à Montréal.

Comment les membres du groupe concilient-ils ces occupations avec les projets musicaux? Au risque de décevoir certains disciples sataniques qui s’intéressent aux Martyrs de Marde, Sébastien évoque des rituels qui n’ont rien de messes noires : alimentation équilibrée, sommeil réparateur, méditation… Chez lui, il n’y a pas d’appareils connectés. Au sein du groupe, l’amitié et la communication saine sont fondamentales.

Pour Sébastien, le cri des Martyrs de Marde, s’il rejette la norme et embrasse la subversion, n’est pas un appel à la violence, qu’il questionne dans la théâtralité. Sa vision à lui, précise-t-il, diffère un peu de celle de Mathieu, le Frère Foutre, cité ainsi dans le communiqué : « Ce que nous visons, c’est d’atteindre le sublime “par la porte d’en arrière et par effraction”. »

« Il y a des gens qui pensent que les Martyrs de Marde, on a envie de détruire la société. […] Moi, ma vision des choses, je ne veux pas que les gens soient terrorisés et prennent les armes. C’est du spectacle, de la musique, une soupape aussi, qui permet de communiquer des enjeux, des états d’âme sans tomber dans la violence et le barbare », exprime Sébastien.

Les Martyrs de Marde se produisent ce soir au Dôme du Centre Jacques-Cartier. Leur Grossière Incandescence est maintenant accessible sur BandCamp.

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