
Jean-Paul L’Allier, décédé le 5 janvier dernier, aura profondément transformé la ville de Québec. Monsaintsauveur.com revient sur quelques-uns des grands projets urbains qui ont été réalisés sous les mandats successifs de celui qui fut le maire de Québec de 1989 à 2005. Aujourd’hui, la création des conseils de quartier.
Même si elle ne constitue pas un projet de développement urbain comme tel, la mise en place des conseils de quartier a provoqué des changements majeurs dans la façon de faire du développement urbain à Québec. Leur création était d’ailleurs un des points forts du programme du Rassemblement populaire de Québec (RPQ) qui, mené par Jean-Paul L’Allier, a remporté les élections municipales en 1989.
Conseils de quartier ?
Souvent méconnus, quinze conseils de quartier existent pourtant sur le territoire de la Ville de Québec, principalement dans les quartiers centraux. Composés majoritairement de citoyens élus par les résidants d’un quartier, ils sont dotés d’un rôle consultatif et sont entre autres chargés de mener certaines consultations publiques sur des enjeux d’aménagement, d’examiner et de commenter les demandes de modifications aux règlements d’urbanisme et d’animer leur quartier.L’objectif des conseils de quartier est avant tout de favoriser la participation des citoyens dans l’amélioration de leur milieu de vie et de servir de relais entre les citoyens et les élus. Aucune autre ville du Québec ne s’est encore dotée d’organismes semblables.
Des origines militantes
Dans les années 1990, la création des conseils de quartier s’inscrit dans une série d’actions du RPQ visant à renouveler la démocratie municipale à Québec. L’objectif est de rapprocher la prise de décision en matière de développement urbain des préoccupations des citoyens. Plusieurs ont en effet été échaudés par des décennies de démolitions urbaines qui, tant en Haute-Ville qu'en Basse-Ville, ont chassé des milliers de résidants des quartiers centraux. Une grande méfiance s’est installée au fil des ans entre une partie de la population de l’ancienne ville de Québec et les élus.Après la prise de pouvoir du RMQ en 1989, la nouvelle équipe s’active à mettre en place plusieurs commissions consultatives composées de citoyens afin d’alimenter ses réflexions. L’administration municipale s’adjoint également en 1990 le Bureau des consultations publiques pour l'épauler. Enfin, les deux premiers conseils de quartier, ceux de Limoilou et de Saint-Jean-Baptiste, sont créés en 1993.Ceux-ci fonctionnent d’abord sur un mode expérimental. Il s’agit entre autres d’apprendre aux membres des conseils de quartier « à connaître le point de vue des citoyens qu'ils veulent représenter », rappelle Lynda Cloutier, ancienne conseillère municipale sous Jean-Paul L’Allier. À l’époque, la question est également de savoir si on doit doter ces organismes d’un pouvoir décisionnel ou simplement consultatif. Devant la difficulté de devoir trancher des questions parfois litigieuses, les citoyens eux-mêmes opteront finalement pour cette seconde approche.En 1996, un amendement à la Charte de Québec assure que la structure des conseils de quartier sera préservée même en cas de changement de parti au pouvoir à Québec.Pour madame Cloutier, en permettant une consultation en amont, les conseils de quartier auront facilité la réalisation de nombreux projets urbains de grande envergure, tout en tenant davantage compte des préoccupations des résidants. Ils auront aussi contribué à faire en sorte que les promoteurs soient tous sur le même pied pour que le développement de la ville « ne se passe plus dans les corridors », résume-t-elle.
Des conseils de quartier en transformation
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les conseils de quartier sont peu connus des citoyens, et on a senti de nombreuses frictions ces dernières années entre certains de leurs administrateurs et des élus. Plusieurs administrateurs ont d’ailleurs quitté ces organismes en dénonçant le « manque d’écoute » de la Ville lors de la réalisation de certains projets. Les candidats ne se bousculent pas aux portes pour y siéger. Un conseil de quartier, celui du Vieux-Moulin dans Beauport, a même été dissout récemment faute de candidatures suffisantes.Certains diront que les conseils d’arrondissement créés suivant les fusions, qui sont eux aussi dotés de responsabilités en matière d’aménagement, n’ont pas aidé la cause des conseils de quartier. Dans ces conditions, ont-ils toujours leur pertinence ?Simon Gauvin, président du conseil de quartier de Saint-Roch, figure en tout cas parmi les convaincus. Se décidant il y a quelques années à faire davantage pour son quartier d’adoption, il correspond au profil des citoyens 2.0 que l’on voit aujourd’hui s’impliquer dans ces organismes. Ce sont souvent de jeunes professionnels travaillant dans le domaine de l’aménagement, généralement de nouveaux résidants des quartiers centraux.Pour lui, les conseils de quartier sont là non seulement pour répondre aux demandes que la Ville a l’obligation de leur adresser, mais grâce à leur petit budget et leur pouvoir d’initiative, ils servent aussi à bonifier la vie communautaire et à interpeller la Ville sur certains enjeux :
Le conseil de quartier appuie plusieurs organismes dans Saint-Roch. Nous organisons aussi des conférences régulièrement. Les projets se font souvent en fonction des intérêts des membres. »
En ce qui concerne l’attitude de l’administration municipale actuelle à l’égard des conseils de quartier, il mentionne que les commentaires des administrateurs et ceux entendus lors des consultations publiques sont généralement bien reçus, et que des modifications sont souvent apportées aux projets. Il est toutefois conscient que le conseil de quartier n’a qu’un pouvoir consultatif : « Il y a des limites à l’opposition qu’on peut avoir à certains projets. Ça dépend de la volonté politique qu’il y a derrière. » Il donne l’exemple de la tour Fresk, qui n’a pas nécessairement suscité l’enthousiasme des citoyens, mais pour laquelle il a senti une forte volonté de la part des élus pour qu'il se réalise.Et un conseil de quartier décisionnel comme ils avaient d’abord été imaginés, ça l’intéresserait ? « Ça serait fantastique ! C’est sûr que les gens s’impliqueraient davantage. »Chose certaine, ce n’est pas pour demain. On pourrait cependant souhaiter qu’une meilleure valorisation des conseils de quartier soit faite de la part de la Ville de façon à assurer la pérennité de cette expérience de démocratie municipale unique au Québec.
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