Ancien Centre Durocher : erreur de calcul ?

CentreDurocher

Dévoilés ce matin par le Comité des citoyens et des citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS), des documents de 2010 révèlent que le chiffre de 24 M$ présenté par la Ville de Québec comme le coût pour la sauvegarde et la décontamination de l’ancien Centre Durocher résulte en fait d’une analyse pour un projet d’agrandissement, où il n’est pas question d’amiante.

En couverture, on peut lire que les documents, jamais divulgués auparavant, « ne considèrent aucunement quelque étude de caractérisation ou contamination que ce soit. Simplement des hypothèses de travail pour donner le niveau de services souhaité par l’arrondissement ». L’analyse demandée par l’arrondissement de La Cité-Limoilou porte entre autres sur un gymnase avec vestiaires et douches; des locaux pour activités physiques, sociales, polyvalentes; une salle multifonctionnelle dotée d’équipements spécialisés. On y trouve l’hypothèse d’ajout d’un étage au bâtiment pour éviter d’empiéter sur le parc adjacent. L’agrandissement compte pour 13 M$ des 24 M$, alors que les travaux pour le réaménagement sont estimés à 11 M$, constate Éric Martin du CCCQSS :

Depuis 2013, la population du quartier doute des chiffres avancés par le maire Labeaume et la conseillère Chantal Gilbert. Nous en avons maintenant la preuve : ça n’a rien à voir avec l’amiante ! La Ville a voulu ajouter un étage au bâtiment actuel et c’est ça qui a gonflé l’estimation des coûts de plus de la moitié. »

Moratoire réclamé

Le montant de 11 M$ pour le réaménagement (en 2010) est du même ordre de grandeur que l’estimé du CCCQSS pour une Maison de la culture. Quant aux interventions requises par la présence d’amiante, des spécialistes consultés auraient estimé leurs coûts à 400 000 $ ou 500 000 $.2015-11-30_Grand_Rassemblement_ancienCentreDurocherAprès avoir demandé sans succès à la Ville de Québec les documents relatifs à l’évaluation des coûts des travaux, le CCCQSS s’était tourné vers la Commission d’accès à l’information, en vain. Un tiers au dossier – la Corporation du Centre Durocher – avait été évoqué comme motif de refus. La citoyenne ayant demandé une révision de cette décision s’est vue délivrer les documents peu avant l’audience prévue. Déplorant un manque de transparence, le CCCQSS demande un moratoire sur la démolition de l’ancien Centre Durocher. Il réitère ses recommandations pour la préservation de la vocation communautaire du lieu et la prise en compte des besoins de la population de Saint-Sauveur.Le communiqué intégral du CCCQSS est disponible sur son site.

Action patrimoine contre la démolition

Jointe avant la divulgation des documents, Émilie Vézina-Doré, directrice générale d’Action patrimoine, est d’avis que les études de coûts et les évaluations patrimoniales devraient être rendues publiques. Dans une lettre adressée à la conseillère municipale Chantal Gilbert le 22 janvier dernier, diffusée hier, Action patrimoine recommande :

que la municipalité ne sacrifie pas un site communautaire et cher au quartier, implante les logements sociaux sur d’autres sites actuellement vacants et, surtout, prenne en main le projet citoyen de maison de la culture et de bibliothèque et en fasse un véritable projet municipal rassembleur qui pourra réellement améliorer la qualité de vie des habitants du secteur. »

Si l’organisme ne s’est pas prononcé avant, explique sa directrice, ce n’est pas pour des raisons propres au dossier. De par son mandat, il intervient à l’échelle de la province, par une diversité d’actions visant à protéger, à mettre en valeur et à faire connaître le patrimoine bâti et les paysages culturels. Les dossiers abondent, le sous-comité d’experts les traite dans les meilleurs délais. N’est-il pas trop tard pour l’ancien Centre Durocher ? Le patrimoine bâti est-il un éternel mal-aimé, à Saint-Sauveur et au Québec ? Monsaintsauveur.com a questionné Émilie Vézina-Doré (É. V.-D.)MSS : Dans des contextes comparables, des municipalités ont-elles déjà fait marche arrière ou mis en suspens une décision à l’étape actuelle du processus ?É. V.-D. : Chaque dossier a ses particularités, mais ce qui va faire la différence, c’est la volonté politique – de la conseillère municipale, du comité exécutif, du maire. Il n’est jamais trop tard en soi. Dans ce cas-ci, à ma connaissance présentement, le permis de démolition ne serait pas encore émis.MSS : Les élus municipaux ont répété qu’ils ne pouvaient intervenir parce qu’il s’agit d’un bâtiment privé. Qu’en dites-vous ?É. V.-D. : Le politique a une responsabilité dans le développement d’une ville, que l’on parle de privé ou de public. Sans avoir autorité, il peut orienter les choix pour le bien-être collectif. Il faut qu’il y ait une ouverture pour entendre toutes les voix – faire des rencontres, des consultations, pour une vision d’ensemble, sur du long terme et pas seulement pour 5 ou 10 ans.MSS : Le sort du patrimoine bâti, d’églises locales notamment, a fait la manchette récemment. Le patrimoine bâti est-il mal aimé, peu valorisé chez nous ? Ou est-ce une question de démocratie ?É. V.-D. : Il y a plusieurs choses. Les cas à l’échelle de la province sont très nombreux : des démolitions sans avoir vu de projet de remplacement, des avis sur les bâtiments demandés aux élus… Ce n’est pas une question d’opinion personnelle ou de goût! Il y a des professionnels de l’évaluation patrimoniale, le bâtiment a une histoire, la question est de savoir : mérite-t-elle d’être valorisée ?On constate le manque d’outils pour gérer le patrimoine bâti de façon consistante, et un manque de vision d’ensemble à long terme du développement urbain. Il y a aussi un manque de fonds dans les municipalités, c’est là qu’interviennent les autres paliers gouvernementaux. La population, en général, est assez sensibilisée à la protection du patrimoine, même si certains types de bâtiments suscitent moins de mobilisation, le patrimoine moderne et industriel par exemple. Les citoyens et les organismes dans les milieux sont éveillés.Il ne faut pas attendre d’entendre arriver la grue. Il faut de l’entretien, de la prévoyance, une vision. Action patrimoine ne se préoccupe pas seulement de la sauvegarde de l’ancien, mais de la qualité architecturale et urbanistique dans le développement actuel.La lettre d’Action patrimoine concernant l’ancien Centre Durocher est disponible sur son site.

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