St-Sô, ma date pis moi | 27 mars 2015 | Article par Andréanne Wahlman

Rue Raoul-Jobin, quartier Saint-Sauveur

St-Sô, ma date pis moi

1er novembre 2011, 18h14. Je suis à bord de Monsieur 802, et je me dirige à grands coups de moteur pas trop sûrs vers cet inconnu, celui qui s’appelle papillons-dans-l’estomac et quessé-j’t’en-train-d’faire-là. Malgré tout, je reste assise sur mon siège vert délavé, j’y cramponne mes fesses bien comme il faut pour pas tomber, jusqu’à ce qu’une voix me dise « c’est ici ». Ça y est. La cloche sonne, le signal rouge s’allume, mon cerveau s’alarme. Le serpent pousse mon corps hors du sien, et j’atterris coin Marie-de-l’Incarnation - Raoul-Jobin.

J’ai 18 ans, j’habite encore chez mes parents, mais plus pour longtemps.

Car suite à ma première date avec Saint-Sauveur, je lui rends visite de plus en plus régulièrement. Je lui souhaite bonne nuit entre les jaquettes de madame Verret et les raquettes en babiche du Cuir Indiana, et je lui chante bonjour entre l’odeur confortable de la Poutinerie et la candeur de l’école Saint-Malo.

Je le quitte toujours à regret, et je le retrouve avec une euphorie engourdie.

C’est ainsi qu’après quelques mois, j’accepte officiellement Saint-Sauveur comme partie de moi, et je m’installe chez lui, avec lui, contre lui.

Et ce fut la meilleure décision de ma vie. Il m’a fait sentir chez moi quand j’étais dans une période d’incertitudes. Il m’a montré ma voie au travers des peines et des joies. Je l’ai rencontré en même temps que mon premier amour ; il m’a viré à l’envers autant qu’à l’endroit.

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Ainsi, Saint-Sauveur, c’est le quartier auquel je m’identifie, parce qu’il m’a forgée, sans jamais me juger. Saint-Sauveur, c’est mon moi géographique : toujours un peu en périphérie, mais jamais bien loin. Saint-Sauveur c’est l’hétéroclite en constante évolution, c’est l’authentique dans son imperfection. C’est l’amour mal-aimé et la révolte assumée, c’est les incendies du coeur et les cloches de l’espoir.

Et ma relation avec lui dure depuis bientôt quatre ans. Certes, je l’ai trompé quelques fois avec Saint-Roch, et même avec le Plateau Mont-Royal, mais, à chaque fois que j’y reviens, je ressens toujours cette douceur à l’âme. Cette douceur quand je côtoie la communauté indienne de l’autobus 802, quand l’église Saint-Sauveur se fait un réveil musical, quand je respire l’air de la Saint-Charles, quand je dévale la Saint-Vallier aux côtés des chevaux qui partent travailler, quand j’y aménage mon nid à coups de bonheur construit.

Et ce bonheur construit, Saint-Sauveur y a grandement contribué. Il m’a aidé à m’émanciper, à m’accepter. Il m’a sauvé de l’inertie ; grâce à lui, je suis une Saint-Sauvée. Et c’est de par mes chroniques sur Monsaintsauveur.com que j’aimerais l’en remercier.