Le Phare de Québec : la mise en lumière d’un manque de vision
J’ai une opinion mitigée sur l’apparence du Phare de Québec, cet édifice de 65 étages qui devrait pousser d’ici quelques années à l’entrée de la ville si tout se déroule comme prévu. D’un côté, ce projet privé me semble plus soigné que les banales tours que l’on a vu se construire dans plusieurs secteurs de la ville ces dernières années. De l’autre, il ne me semble pas tout à fait être à la hauteur (sans jeu de mots) de la visibilité dont il profitera.Quant à moi, le véritable problème avec le projet Phare de Québec n’est pas tant son esthétisme discutable ou même son gabarit, mais plutôt le fait qu’il démontre encore une fois le manque de transparence et de vision de certains de nos élus municipaux en ce qui a trait au développement urbain. Comme plusieurs autres projets qui ont défrayé les manchettes ces dernières années — l’amphithéâtre, le tramway, les écoquartiers, la place Jacques-Cartier, pour ne nommer que ceux-là — celui du Phare m’apparaît davantage comme une fâcheuse tendance à succomber au spectaculaire et au « bling-bling » plutôt que de patiemment élaborer les connaissances et le consensus nécessaire à la réussite des projets de développement urbain.Le plus dérangeant dans toute cette histoire est que le secteur du plateau de Sainte-Foy a récemment fait l’objet d’un important exercice de planification que l’on appelle un programme particulier d’urbanisme, ou PPU dans le jargon des urbanistes. Même s’il a été décrié par certains des participants et observateurs, cet exercice a néanmoins eu le mérite de dégager une vision de développement cohérente du secteur pour les prochaines décennies afin d’en faire : « un centre urbain dense, mixte, habité et vivant où la qualité de vie prédomine » (Source: PPU Plateau centre de Sainte-Foy).Or, l’un des premiers gestes de nos élus est d’endosser un projet qui va à l’encontre de la règlementation découlant du PPU. C’est un bien mauvais signal à envoyer, d’autant plus que plusieurs autres PPU ont été récemment adoptés ou sont présentement en cours d’élaboration (Saint-Roch Sud, Sillery, boulevard Sainte-Anne).
Juste sous notre nez
Cette tendance à privilégier le spectaculaire est d’autant plus étonnante que ce qui est probablement le meilleur exemple de revitalisation urbaine réussie au Québec est ici, dans notre ville : celui du quartier Saint-Roch. Deux approches opposées ont justement été tentées pour redonner à ce quartier le rôle de centre-ville qui avait été le sien pendant près d’un siècle avec des résultats complètement différents.Les années 1970 et 1980 furent en effet le règne de « l’urbanisme héroïque », avec notamment la construction de la bibliothèque Gabrielle-Roy, le bétonnage de la rivière Saint-Charles, le recouvrement de la rue Saint-Joseph pour en faire un mail et le projet abandonné de construire un immense centre commercial sur la place Saint-Roch… Les résultats, mitigés, n’ont pas été à la hauteur des efforts déployés. À partir des années 1990, une deuxième approche est tentée par la Ville, beaucoup plus douce. La construction du parc Saint-Roch donne alors le signal d’envoi à un processus qui misera d’abord et avant tout sur la participation de plusieurs dizaines d’acteurs institutionnels, privés et gouvernementaux au développement graduel du quartier en se basant sur une vision commune. On en connaît aujourd’hui les résultats surtout positifs.Le cas du quartier Saint-Roch démontre que le développement urbain ne se fait pas en succombant à la saveur du jour et en ignorant les avis des professionnels, mais plutôt en poursuivant patiemment une vision de développement. Il est dommage que le projet « emblématique » du Phare de Québec vienne surtout mettre en lumière le retour à un certain âge des ténèbres en matière de développement urbain à Québec.
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