Artistes du quartier (5) : Cooke-Sasseville, full monumental

Cooke-Sasseville devant l’oeuvre Longue portée. Photo : Alexis Bellavance
Durant quelques mois, Monsaintsauveur vous invite à découvrir des artistes en arts visuels qui travaillent dans le quartier Saint-Sauveur. Aujourd’hui, rencontre avec le collectif Cooke-Sasseville.« Nous sommes assez géniaux », lance tout de go Jean-François Cooke, le membre du duo Cooke-Sasseville portant moustache, lors d’une entrevue menée à bâtons rompus. La phrase reste en suspens… et un ange passe. Irrévérence et ironie, je n’en attendais pas moins du tandem qui, en 15 ans, a développé une connivence que le temps n’a fait qu’amplifier. Pierre Sasseville l’avoue d’emblée : tous les matins, il a hâte de retrouver son collègue, et il n’envie pas la solitude de sa conjointe, l’artiste solo Annie Baillargeon. « On a un plaisir monstre à se côtoyer; on se renvoie constamment la balle. »Mister Moose_mntAprès s’être installés à leurs débuts dans le quartier Saint-Roch, Jean-François Cooke et Pierre Sasseville ont déménagé leurs pénates à Saint-Sauveur, rue Durocher, en 2009, avant de trouver leur atelier de rêve sur la rue des Oblats, dans un ancien garage qu’ils partagent avec le photographe Guillaume D. Cyr. Avec ses hauts plafonds, le repère sert de lieu de transit à quelques-unes de leurs œuvres, comme celles de leur exposition «Les rejets» à la Maison de la culture Frontenac de décembre à janvier derniers : l’orignal à perruque «Maître Moose», le canon-doigt d’honneur «Longue Portée», ou encore le flamand couché de tout son long «La vie en rose». Trois œuvres qui illustrent bien leur art figuratif loufoque et déjanté.

Gagner en notoriété

Né lors de la maîtrise en arts visuels à l’Université Laval il y a 15 ans, le collectif s’est forgé une notoriété certaine après bien des années de vache maigre. Depuis, leur labeur a payé : le tandem a donné vie à quantité de sculptures monumentales qui ornent les parcs, édifices et écoles de la province, de Montréal surtout, et que l’on peut reconnaître à leur esthétisme léché. « Nous sommes devenus des experts des oeuvres d’art public intégrées à l’architecture, et c’est ce qui nous fait vivre », déclare Jean-François Cooke. « C’est un travail stressant et épuisant », relate-t-il, où plusieurs artistes perdent gros en participant à ces concours d’envergure. Là-dessus, il me montre les modélisations, plans et devis de leur réalisation en cours : deux œuvres qui seront installées cet été de part et d’autre du Grandview Heights Aquatic Centre, à Surrey, en Colombie-Britannique.Lorsque je m’étonne à l’idée que l’ordinateur soit leur principal outil de travail et qu’ils fassent faire la majeure partie de leur production par d’autres, Jean-François Cooke me rétorque que tous les «grands» ont fait de la sous-traitance. « On n’a pas de temps à perdre à maîtriser différentes techniques. Ça nous prendrait 10 ans pour arriver à cette perfection », affirme-t-il en pointant la toile intitulée «Réserve» sur laquelle lui et son comparse apparaissent en pyjama de luxe entourés de billets de banque. « Nous créons des œuvres de grande qualité et nous faisons appel aux meilleurs techniciens pour les réaliser », poursuit-il. L’œuvre «Longue Portée» en est un bon exemple. Entièrement faite de résine moulée, elle a été sculptée mécaniquement en numérisation 3D. Résolument moderne, donc, Cooke-Sasseville.

En fait, nous combinons 3 corps de métier : architecte, designer et ingénieur. Nous sommes l’antithèse de l’artisanat », résume-t-il.

Des oeuvres polysémiques

Cooke_Sasseville_Le_Melomane_mntLorsque je leur demande l’œuvre dont ils sont le plus fiers, ils mentionnent sans hésitation « Le mélomane », cette autruche de bronze qui se cache la tête dans un gramophone. Située dans le parc Joseph-François-Perreault du quartier Saint-Michel, à Montréal, tout près de l’école du même nom qui a une vocation musicale, cette œuvre polysémique est un clin d’œil à la célèbre peinture de Francis Barraud montrant un fox-terrier écoutant la voix de son maître dans un gramophone. Tout en contrastes, «Le mélomane» évoque à la fois le classicisme et la modernité, l’ouverture à la musique et la fuite dans celle-ci. Mon coup de cœur personnel, quant à moi, ce sont ces trois immenses pigeons entourant une boîte de soupe Campbell’s aperçus au Petit-Champlain l’été dernier. Le duo a créé cette œuvre dans le cadre de l’événement Passages insolites organisé par Exmuro. Cette fois encore, le collectif faisait référence à d’autres œuvres : le pop art d’Andy Wharol et le film l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, dont l’oeuvre porte le titre.

Pigeons_mntLorsque nous créons une sculpture, nous cherchons la richesse symbolique, les amalgames qui créent du sens. En fait, nous jouons avec le lexique visuel et le pouvoir évocateur des objets », explique Pierre Sasseville.

Cooke-Sasseville rêve qu’une œuvre aussi provocatrice que «Longue portée» soit choisie un jour par un jury d’art public. « Nous voulons devenir des artistes collectionnables, libres de présenter des œuvres plus flyées encore dans lesquelles nous pouvons faire passer l’humour noir qui est collé à notre démarche personnelle. » Comment ne pas le leur souhaiter?Pour en savoir plus sur leur travail : cooke-sasseville.com

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