La maison ouvrière: aux origines de Saint-Sauveur
Elles m’ont tout de suite plu lorsque j’ai mis les pieds pour la première fois dans Saint-Sauveur: ces petites maisons d’ouvriers que l’on retrouve dans presque chaque rue du quartier.Souvent tassées entre deux immeubles plus imposants, je leur ai immédiatement trouvé un charme particulier. Si ces maisons ne sont pas uniques à Saint-Sauveur, elles y sont cependant très nombreuses et contribuent à lui donner un cachet unique. Parfois rénovées et mises au goût du jour, elles constituent un type de logement assez rare dans les quartiers centraux: la maison de plain-pied. J’ai voulu en savoir un peu plus sur leurs origines.
Des origines modestes et tragiques
La présence nombreuse de ces maisons à mansarde, c’est-à-dire avec un toit à forte pente percé de lucarnes qui permet d’habiter le deuxième étage, remonte en fait au tragique incendie de 1889. À cette époque, ce style de toiture est en effet à la mode depuis quelques années et c’est donc celui qui est privilégié lors de la reconstruction d’une bonne partie du quartier rasé par les flammes.Malgré les risques d’incendies, ces maisons sont reconstruites avec une structure et un parement de bois. Leur origine modeste et l’importance du commerce du bois à Québec pendant une bonne partie du 19e siècle expliquent probablement ce choix. Les ouvriers ont en effet avantage à employer un matériau abondant en basse-ville et des techniques de construction qui leurs sont familières. Afin de permettre l’accès aux écuries ou parfois aux autres logements qui se trouvent à l’arrière et limiter la propagation du feu, un espace est laissé vacant entre elles et les constructions voisines. Cet espace est aujourd’hui récupéré pour le stationnement et donne accès à des cours parfois surprenantes.Vers la fin du 19e siècle, le style architectural de la maison à mansarde sera rapidement remplacé dans le quartier par celui de la maison à toit plat qui permet d’agrandir le volume du dernier étage. Ces maisons si caractéristiques de Saint-Sauveur ont donc presque toutes été construites en l’espace d’une décennie environ. Elles constituent encore aujourd’hui un témoin important de l’histoire de Saint-Sauveur et rappellent les origines ouvrières du quartier, une condition alors difficile comme en témoigne cet extrait d’un sermon prononcé à l’occasion de la Fête du travail le 4 septembre 1893 à l’église Saint-Sauveur:
Lorsque, le soir, vous rentrez sous vos toits, épuisés d’une longue journée, n’êtes-vous pas étonnés d’avoir fait tant de chemin au milieu de tant de difficultés? Pourtant, il faut recommencer le lendemain, il faut vous courber sur l’enclume et amollir le fer du marteau, il faut frapper le bois de la hache, le polir du rabot et le façonner de mille manières diverses, il faut vous pencher sur le cuir, le faire passer par tant de combinaisons et lui donner tout son lustre, il faut tisser la toile et la rendre forte et serrée, il faut tailler la pierre du ciseau et l’ajouter à tant d’autres. Mes Frères, ne continuons pas l’énumération des multiples occupations de métiers, qu’il suffise de dire qu’il n’en est pas un qui n’ait son ennui, sa souffrance. Combien sont tombés victimes d’une maladie engendrée dans la misère du travail! » – extrait du sermon « Jésus et l’ouvrier » prononcé par l’abbé Henri DeFoy le 4 septembre 1893
Pour en savoir plus:
Villes et villages d’art et de patrimoine. (2008) Histoire de raconter. Le quartier Saint-Sauveur. 18 p.Gauthier, Pierre. (1997) Morphogenèse et syntaxe spatiale des tissus résidentiels du quartier Saint-Sauveur de Québec, Mémoire de maîtrise, École d’architecture, Université Laval, 449 p.
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.