Règne et déclin de l’épicerie du coin au 20e siècle
Le 30 septembre dernier, à la Villa Ringfield, la Société historique de Limoilou présentait une conférence de Dale Gilbert portant sur le règne et le déclin de l’épicerie de coin de rue dans la Basse-Ville de Québec.S’appuyant sur une enquête orale menée auprès d’une trentaine de citoyens âgés de 58 à 90 ans. M. Gilbert a consacré l’essentiel de ses recherches sur le quartier Saint-Sauveur. Il faut rappeler que l’historien est l’auteur du très beau livre portant sur la paroisse Notre-Dame de Grâces : De cloches et de voix : Patrimoine de la vie paroissiale à Notre-Dame de Grâces, publié ce printemps.Avec beaucoup de couleur, de verve et de sensibilité, Dale Gilbert nous a plongés dans le quartier ouvrier et populaire de Saint-Sauveur des années 1930-1940 qui comptait alors plus de 40,000 résidents, contre seulement 16,000 aujourd’hui.Les résidents de cette époque fréquentaient pour leurs besoins essentiels et quotidiens les commerces de proximité. Le quartier comptait alors plus 160 magasins de coins de rue (épiceries, boucheries, barbiers, quincailleries, vêtements). Le magasinage se faisait à pied; les clients étaient fidèles, et le service, personnalisé. Pour les achats plus importants, les grands magasins à rayons Paquet, Syndicat et Laliberté de la rue Saint-Joseph, dans Saint-Roch, répondaient au besoin. La vie de l’époque n’était pas facile pour ces familles ouvrières nombreuses avec les pertes d’emplois, le chômage, la crise économique. Mais les ouvriers pouvaient compter sur leur réseau familial et sur le commerçant du coin qui faisait crédit, marquait l’épicerie, ou acceptait avec discrétion les bons de la Saint-Vincent de Paul pour les plus pauvres.Ce monde est aujourd’hui disparu, remplacé par les Wal-Marts, les Costcos qui pullulent dans les supercentres en périphérie des villes. Après la seconde Guerre mondiale, l’amélioration des conditions de vie a permis l’achat d’autos permettant de se déplacer vers les nouveaux centres commerciaux. Les citoyens ont ainsi quitté en masse les quartiers centraux pour la banlieue. L’épicerie de coin de rue est alors devenue une espèce en voie de disparition…En conclusion, ce témoignage d’une résidente de Notre-Dame de Grâces :
À côté de l’école y avait un tit magasin de bonbons, Mme Laperrière. À côté d’chez nous y avait un barbier, Lessard. Au coin c’tait une épicerie qui s’appelait Blouin. Pis quand on montait l’boulevard Langelier là, y avait d’Auteuil l’magasin. À part de ça y avait, au coin d’la rue Arago pis Langelier, c’était Josaphat Dinel, boucher. L’autre bord c’tait un autre boucher épicerie, Bédard. […] Pis à part de ça y avait au coin d’la rue Durocher pis Châteauguay une quincaillerie, Plante. Au coin de la rue Arago, pis Signai y avait Rousseau, qui tenait épicerie, pis une quincaillerie. En face s’a rue Arago, y avait un M. Matte qui était marguillier. Pis lui sa femme, a tenait un magasin d’chapeaux. Pis à côté d’l’église là, au coin d’la rue Colbert, y avait un p’tit magasin, c’tait les Lafrance qui étaient là. Un p’tit magasin, toutes sortes de p’tites cochonneries là. Pis l’autre bord d’l’église, s’a rue Arago, c’tait un M. Grenier qui était là. Lui y vendait l’épicerie, pis à côté c’est ses soeurs qui vendaient du linge. Ah oui y avait beaucoup d’commerces, y avait beaucoup d’épiceries, c’tait toute collé! »
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