La construction du pont de l’Aqueduc (2 et fin)

Quartier Saint-Sauveur
Source : Archives de la Ville de Québec.

TALON D’ACHILLE DE LA VILLE DE QUÉBEC

 

Le pont de l’aqueduc est le point le plus important à protéger » – Général François-Louis Lessard, 3 avril 1918.

Lorsque la Ville de Québec décide en 1884 de reconstruire un pont tubulaire pour remplacer le vieux pont en bois de l’aqueduc de 1874, elle veut s’assurer qu’elle ne devra pas affronter de nouvelles poursuites judiciaires de la part des résidents. La Ville veut aussi éviter de nuire à la circulation des petits bateaux sous le pont de l’Aqueduc. Elle décide donc de dépenser un montant supplémentaire de $10,000 pour réaliser un pont arqué en fer et en acier plutôt qu’un pont droit. La forme originale du pont de l’aqueduc offre aujourd’hui aux piétons qui le fréquentent un point de vue superbe sur les rives et le quartier environnant (ci-bas, localisation, panorama O-N).L’ingénieur de la cité Charles Baillairgé exige en 1885 que le nouveau pont de l’aqueduc soit surveillé par deux gardiens, un de jour et un de nuit. La Ville doit construire une maison pour ces gardiens et installer une ligne téléphonique pour leur permettre d’avertir les autorités lors de bris ou de rupture des tuyaux. L’ingénieur insiste aussi pour installer une clôture en fer pour empêcher les piétons d’emprunter le pont. Pendant longtemps, les résidents joueront au chat et à la souris avec les gardiens pour circuler sur le dessus de la structure du pont en acier. Une chantepleure d’écurage est également installée près du pont pour le nettoyage des tuyaux et pour faire baisser occasionnellement la pression d’eau dans le réseau.Québec continue à vivre régulièrement, au tournant du XXe siècle, de nombreux épisodes de pénuries d’eau. L’intermittence de la pression d’eau constitue la principale cause des disettes. Les bris d’aqueduc sont fréquents à proximité au pont de l’aqueduc où la pression est à son maximum.Le pont de l’aqueduc devient un sujet de préoccupation pour les autorités politiques. C’est le seul endroit de tout le réseau d’aqueduc de Québec où les tuyaux d’approvisionnement en eau ne sont pas enfouis sous terre, mais plutôt exposés à l’air libre sous la structure du pont. Les autorités craignent le vandalisme.Au printemps de 1918, la population de la Ville se soulève pendant une semaine pour s’opposer à la conscription obligatoire. Les émeutiers incendient et pillent le Bureau d’enrôlement au carré d’Youville ainsi que de nombreux magasins sur la rue Saint-Joseph. La loi martiale et un couvre-feu sont imposés dans la Ville. Le 1er avril 1918, l’armée canadienne ouvre le feu sur les émeutiers, rue Saint-Vallier, faisant 4 morts et plusieurs dizaines de blessés. Les militaires ont ordre de tirer à vue et effectue des dizaines d’arrestations. La tension est à son comble.Le maire Henri-Edgar Lavigueur demande le 2 avril au général François-Louis Lessard de protéger le pont de l’aqueduc. Il affirme :

Le pont de l’aqueduc est le point le plus important de la cité à protéger. Si les émeutiers s’amènent au pont où passe les tuyaux d’approvisionnement en eau potable, il sera impossible de combattre les incendies et la cité coure le risque de brûler entièrement. »

Une garde militaire accompagnée de mitraillettes surveille le pont jusqu’à la fin des troubles. Les militaires retourneront également protéger le pont de l’aqueduc lors de la Crise d’octobre de 1970.Les inquiétudes des autorités municipales augmentent avec le début des hostilités de la deuxième Guerre mondiale. En juin 1942, le maire Lucien Borne demande au ministre fédéral de la justice Louis Saint-Laurent de considérer comme priorité de guerre le projet d’enfouir les tuyaux d’aqueduc sous la rivière Saint-Charles par crainte de sabotage ou de bombardement par les Allemands.La Ville vient d’accorder un contrat de $146,000  à la firme Komo construction pour la construction de deux conduites sous-marines dans le lit de la rivière Saint-Charles. Le journal L’Action catholique titre le 23 mai 1942 : « La cité protège l’aqueduc contre les bombardements aériens ». Mais les entrepreneurs auront beaucoup de difficultés, à cause du rationnement en temps de guerre, de se procurer les matériaux pour construire les conduites souterraines. Le manque d’acier et les difficultés à trouver les pompes et les tuyaux retardent le projet. Les travaux de construction pour enfouir les tuyaux d’aqueduc se concrétisent à l’été 1944 seulement, deux ans plus tard.Au printemps 1945, le pont de l’aqueduc est débarrassé de ses tuyaux et peut devenir définitivement le premier pont piétonnier sur la rivière Saint-Charles pour le plaisir des piétons, des joggers et des cyclistes. Il fait aujourd’hui partie d’un axe piétonnier nord-sud qui traverse la ville de Québec du quartier de Vanier à la Grande-Allée, en passant par l’escalier de la Pente douce et le parc des Braves. Il est maintenant le plus beau pont piétonnier de la région de Québec.

FIN

Quartier Saint-Sauveur[ En complément de la série Histoire de l’aqueduc de Québec. ]

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