Histoire de l’aqueduc de Québec – 2

Barrage du château d'eau à Loretteville
Barrage du château d’eau à Loretteville à la fin du XIXe siècle. Source : Archives de la Ville de Québec.

Le maire Narcisse-Fortunat Belleau (photo) s’attaque en 1850 à la réalisation du projet d’aqueduc municipal qui constitue le plus important projet d’infrastructure au XIXe siècle à Québec. La ville vient de subir à l’été 1849 une autre épidémie de choléra qui a fait plus de mille victimes. Élu maire à l’unanimité par le conseil municipal en février 1850, il est favorable à un projet d’aqueduc municipal dont le coût sera assumé par les citoyens de Québec et non pas à un projet réalisé par une entreprise privée. Il privilégie également le choix de s’approvisionner en eau potable à partir de la rivière Saint-Charles plutôt que la rivière Montmorency. Ces deux questions font alors l’objet de controverses dans l’opinion publique.

Narcisse-Fortunat Belleau. Source : Ville de Québec

Le maire crée un donc un nouveau département de l’aqueduc en septembre 1850. Il engage l’ingénieur de Boston George R. Baldwin comme ingénieur en chef des travaux avec un salaire annuel de 1000 pendant quatre années. Baldwin confirme le choix de la rivière Saint-Charles et commence à dessiner les plans et devis.

Les travaux débutent à l’automne. Le projet consiste à installer sous terre un tuyau d’aqueduc de 12 kilomètres entre la prise d’eau de Lorette et la haute-ville de Québec. L’eau circulera par gravité, le château d’eau étant situé à 43 mètres de hauteur de plus que le point d’arrivée de l’aqueduc sur le chemin Saint-Louis. La Chambre d’assemblée du Canada-Uni appuie le projet municipal en autorisant un emprunt supplémentaire d’un demi-million de dollars pour l’aqueduc.

Les députés appuient le projet de la ville : ils pensent qu’un système par gravitation est le plus économique car il n’exige « pas de dépense puisque l’eau circule par son propre poids ». Auparavant, plusieurs personnes avaient proposé de puiser l’eau au fleuve Saint-Laurent avec l’aide d’une machine à vapeur. Le nouvel aqueduc entraînera une baisse importante des primes d’assurance et il assurera une abondance d’eau qui permettra de nettoyer les drains et les égouts, faisant disparaître les mauvaises odeurs des maisons. Il ne sera plus nécessaire de rajouter des spiritueux à de l’eau sale pour prendre son bain.

Les travaux de construction du réservoir et du château d’eau à Lorette ainsi que l’installation du tuyau de 18 pouces entre Lorette et Québec se déroulent sur deux années de 1850 à 1852. Le comité de l’aqueduc doit d’abord procéder à la négociation et l’achat de bandes de terrains sur une soixantaine de propriétés. Il faut, dans un premier temps, construire en 1851 un barrage et un château d’eau à la prise d’eau de Lorette. Par la suite, une tranchée de 14 pieds de large par six pieds de profondeur est ouverte au pic et à la pelle sur toute la longueur du parcours. Ce travail est particulièrement difficile dans le village « indien » de Lorette, où il faut ouvrir durant l’hiver 1851 la tranchée dans du roc très dur. Des centaines d’ouvriers canadiens-français travaillent sous la supervision d’un contremaître anglophone exigeant.

À l’automne 1851, l’ingénieur Baldwin traverse l’Atlantique pour superviser la production des tuyaux et s’assurer de leur qualité. Les tuyaux en fonte sont produits à Glasgow en Angleterre au coût de $460,000 à partir de l’hiver de 1852. Il faut une dizaine de navires pour transporter ces tuyaux de Glasgow en Écosse à Québec durant l’été 1852. Arrivés sur les quais de Québec, les tuyaux sont amenés par des chevaux en 15 endroits différents le long du parcours Lorette-Québec pour être installés.

Manquant de main-d’œuvre spécialisée, Baldwin doit faire venir des techniciens de Montréal, Boston et Édimbourg pour l’installation des tuyaux. La traversée de la rivière Saint-Charles près du pont Scott pose de nombreux problèmes techniques. Il faut construire un pont et suspendre le tuyau de 18 pouces dans une gaine pour empêcher le gel de l’eau potable. Finalement, l’eau potable parvient à Québec au printemps 1853.Au total, le projet d’aqueduc municipal coûtera plus d’un million de dollars. Il ne peut se réaliser qu’avec un prêt de 400 000 $ de la banque Barings de Londres. La Ville de Québec, dans une conjoncture économique difficile, va devoir vivre avec une dette britannique énorme qui hypothèque la moitié de son budget jusqu’à la fin du XIXe siècle. La moitié des 4 000 résidences de Québec sont connectées au nouvel aqueduc en 1857 et les deux-tiers dans les années 1860. Québec possède alors l’un des aqueducs les plus modernes en Amérique du Nord. Mais il deviendra vite insuffisant pour répondre à la demande, causée surtout par le gaspillage de l’eau.

À suivre le 17 février : 1885 : L’inauguration d’un nouvel aqueduc

Revoir la Partie 1 de L’histoire de l’aqueduc

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