Samedi dernier, en revenant de mon jogging, je me suis arrêté quelques instants comme je le fais souvent en bordure du parc Durocher. Par un froid de canard, un employé s’activait à mettre une dernière touche à la patinoire que la Ville de Québec y aménage chaque hiver depuis plusieurs années. Bientôt, le parc retrouverait son animation caractéristique, celle-là même qui démontre la rare qualité de cet espace public.
Il n’est pas question de changer la vocation du parc Durocher », tient à préciser la conseillère Chantal Gilbert dès le début de notre échange téléphonique : « Le parc appartient à la Ville de Québec et non à la corporation qui gère le Centre Durocher. Le souhait est au contraire de renforcer la vocation publique de ce parc, notamment en modifiant le zonage pour permettre la tenue du marché public, une fonction qui n’est pas permise par la règlementation actuelle. »
Dans un courriel envoyé le matin même, j’avais fait part de certaines préoccupations à la conseillère concernant l’avenir du parc Durocher suite au rappel lundi de la démolition prévue du Centre Durocher. Si le sort du Centre a fait couler beaucoup d’encre, celui du parc qui le jouxte a peu été abordé jusqu’à présent, sauf dans cet article. Comme urbaniste, il m’apparait pourtant que ces deux espaces sont intimement liés.
Un espace public remarquable
Dès le premier coup d’œil, le parc Durocher m’est apparu comme un élément urbain particulièrement réussi. J’étais tombé sur lui pour la première fois au hasard d’une promenade depuis le quartier Saint-Roch. Ce qui m’avait immédiatement frappé, c’était l’harmonie qui semblait se dégager entre ce minuscule parc et son environnement bâti, comme un bijou qui s’insère parfaitement dans l’écrin que lui offrent la rue Saint-Vallier et le bâtiment Art deco du Centre Durocher.Ce n’est cependant qu’après avoir emménagé dans le quartier Saint-Sauveur que je découvris le rôle central que ce parc y joue également. Ainsi, non seulement est-il agréable à voir, mais il vit! Été comme hiver, de jour comme de soir, la population de Saint-Sauveur s’y retrouve et s’y mélange à l’occasion de fêtes, d’activités diverses ou de simples promenades. Le cœur d’activités que constitue cet espace stratégique ne date d’ailleurs pas d’hier. Un panneau d’interprétation à l’angle des rues de Carillon et Saint-Vallier Ouest nous rappelle que les halles du marché Saint-Pierre ont été érigées à cet emplacement dès 1887, devenant dès lors un important lieu de socialisation pour le quartier.C’est ce genre d’espaces publics que les urbanistes et les architectes tentent aujourd’hui de recréer avec souvent beaucoup de difficultés. Dans le cas du parc Durocher, ce succès est certainement attribuable à sa localisation centrale, mais aussi à la complémentarité qui existe entre cet espace et les activités du Centre Durocher. La synergie est bonne. Le courant passe. Les deux éléments se complètent et se font vivre mutuellement, comme en témoignent par exemple les populaires soirées de cinéma en plein air organisées par le Centre Durocher durant l’été. En ira-t-il de même si les activités communautaires et de loisirs du Centre sont remplacées par des fonctions résidentielles ? Doit-on craindre des frictions entre les besoins naturels de tranquillité et d’intimité des futurs locataires et les activités du par c?
Il n’y a pas d’inquiétudes à ce sujet », affirme Chantal Gilbert. « D’ailleurs, il est prévu que le logement social soit dédié aux jeunes familles. Le maintien et l’agrandissement de la garderie est aussi souhaité. »
La Ville compte annoncer dans les prochaines semaines les consultations publiques prévues à la loi dans le cadre des modifications au règlement de zonage qu’exigera la réalisation du projet de logements sociaux. Elles constitueront une occasion pour la population du quartier d’exprimer ses préoccupations. On souhaite aussi qu’il s’agisse d’une occasion pour la Ville de Québec d’engager un dialogue constructif en vue de s’assurer de préserver la vitalité d’un espace public remarquable situé au cœur du quartier Saint-Sauveur depuis plus d’un siècle.