J’ai grandi à travers quelques déménagements : tous les enfants de militaires vivent la même chose et, même si j’ai été relativement épargnée, cela a tout de même eu pour effet que j’ai grandi sans développer d’attachement particulier à mon école ou mon quartier.Ça a changé lorsque j’ai commencé à habiter dans Saint-Sauveur. Ce n’est pas un quartier que j’ai choisi, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Quand j’ai voulu m’acheter quelque chose, une maison, un condo, c’est en ville que j’ai voulu le faire, et je n’avais clairement pas les moyens de réaliser ce rêve dans Montcalm. Mais quand j’ai mis les pieds dans cette vieille bâtisse de brique qui allait devenir chez moi, j’ai eu un coup de cœur immédiat qui n’a cessé de se répéter avec tout le quartier.Étrangement, Saint-Sauveur est sans aucun doute le quartier le plus difficile où j’ai vécu : dans Montcalm ou en banlieue, on voit rarement la vie quotidienne de façon aussi directe. Les querelles se vivent à portes closes. Dans mon quartier, tout se passe sur le trottoir : on laisse les portes grandes ouvertes, on parle fort, on fête parfois. On se dit bonjour quand on se croise. Je salue mes voisins dela main. Jesalue même le monsieur du dépanneur quand je le croise ailleurs que derrière son comptoir, et je sais où habitent les chats faussement errants qui traînent sous les voitures…Mais à travers les drames et les éclats, je me suis attachée à ce quartier qui est profondément vivant et humain à travers ses mille et uns visages. C’est un quartier mal aimé de plusieurs, et les gens qui n’y habitent pas ont souvent des idées préconçues et des préjugés envers les gens qui y vivent. Moi, j’y vois un endroit où tous peuvent être eux-mêmes, sans faire l’effort d’être comme tout le monde. C’est un endroit où on peut être vrai.Si Michel Tremblay choisissait Québec comme le lieu d’un de ses romans, il ne fait aucun doute pour moi qu’il trouverait dans Saint-Sauveur une matière riche et inépuisable, avec une galerie de personnages colorés.J’ai eu envie de contribuer à la vie de ce quartier, ne serait-ce qu’en écrivant pour faire connaître toutes les facettes de cet univers unique. Parce que Saint-Sauveur, c’est chez moi.